13 questions sérieuses à Philippe

Philippe et les tailleuses vietnamiennes, à Hoi An (photo prise par le propriétaire de la boutique)

Avec cette entrevue, je tente une expérience: j’ai décidé d’interviewer une personne qui n’a pas nécessairement de blogue de voyage ou qui n’est pas forcément impliquée de façon assidue dans l’univers des voyages. J’ai donc demandé aux fans Facebook de La page à Pageau (et à mes ami-es Facebook) de participer à un concours, que j’ai créativement nommé “Gagnez une entrevue sur La page à Pageau”. Le prix? Une entrevue sur mon blogue. Eh bien voici le résultat: une entrevue avec mon ami Philippe Antoun, un passionné de voyage au parcours fort intéressant. C’est donc avec beaucoup de plaisir que je vous présente ses réponses. À noter que, si je juge cette expérience concluante, je la répéterai au cours des prochains mois. Alors si vous souhaitez devenir une vedette (pour quelques jours, à tout le moins), joignez la page Facebook de ce blogue, vous saurez ainsi quand je lancerai un nouveau concours. Sur ce, bonne lecture.

Pourquoi voyages-tu?

Au départ, je voulais voyager parce que j’avais envie de découvrir le monde et parce que j’étais vraiment tanné d’être au Québec. Je trouvais que notre province stagnait. J’avais atteint un point de non-retour en termes de cynisme face à notre immobilisme collectif. Je sentais donc l’urgent besoin d’aller voir ailleurs si j’y étais, d’autant plus que j’avais découvert les joies du voyage en solo en 2008 lorsque j’étais parti dans l’Ouest canadien durant deux semaines. J’avais envie de me retrouver dans un lointain pays dont je ne parlais pas la langue et qui allait me procurer une nouvelle expérience de vie.

Qu’est-ce que tu aimes le plus, dans le fait de voyager?

Je pense que c’est le nomadisme relatif que ça nous procure. C’est la liberté totale. La richesse de ton voyage dépend entièrement de tes actions. Ainsi, tu peux passer cinq jours à Paris et ne rien voir, comme tu peux voir plein de trucs dans un village perdu du Cambodge en trois jours.

Aussi, c’est drôle à dire, mais je me sens réellement vivre quand je suis en voyage. Ça m’aide à prendre conscience du monde qui nous entoure…et à me donner de la perspective sur l’endroit d’où je viens. Il faut le dire : on a les meilleures conditions de vie au monde, que le Québec ou le Canada soit notre pays.

Qu’est-ce que tu aimes le moins, dans le fait de voyager?

C’est le coût parfois prohibitif. Ça occupait quand même une bonne partie de mon budget avant que je n’achète une propriété. Maintenant, c’est plus dur, mais on s’arrange. Quand l’objectif est clair, les moyens suivent.

Comment réagis-tu quand tu te perds, en voyage?

Honnêtement, je crois que ça ne m’est jamais vraiment arrivé, mais j’essaie toujours de mettre les choses en perspective quand un évènement malheureux survient. Je suis vivant, je suis en santé, j’ai mon argent pour me déplacer et je suis entouré d’êtres humains qui comprennent bien que je suis étranger. Tout s’arrange.

Quel rôle les attentes jouent-elles dans un voyage?

Bien franchement, je crains les attentes trop élevées. Je me souviens d’avoir déjà été déçu parce que j’avais trop d’attentes.

Aussi, je ne regarde pas trop de photos avant de partir. Avec Internet, on pourrait visiter le monde en quelques clics. Je me garde de trop visualiser ma destination avant d’y être. Je vois ça un peu comme la différence entre regarder un film et lire un livre qui racontent la même histoire. L’image qu’on se fait à partir du livre est plus marquante parce qu’on se la crée. En regardant un film, on a tout cuit dans le bec.

Comment perçois-tu le débat sémantique “touriste/voyageur”?

Je me suis posé une seule fois la question. À Sapa, au Vietnam, je me rappelle avoir vu inscrit à la craie sur les pierres longeant notre route sineuse : « Be a traveler, not a tourist ». Visiblement, ça m’a assez marqué pour que je m’en souvienne clairement. Ça m’a fait sourire, mais en même temps, je bâtissais ma propre interprétation de cette phrase.

Je comprends l’idée d’un débat sémantique sur le sujet, mais je pense que si tu veux être voyageur, tu n’as pas le choix à un moment ou à un autre d’être touriste si tu veux tout voir. Je me rappelle mon voyage en Chine, quand j’ai visité l’immense bouddha taillé dans le roc à Leshan. C’était la première fois que je voyais autant de touristes en file depuis le début de mon voyage (j’étais déjà parti depuis un bon trois semaines). Cette fois-là, je me sentais plus touriste et moins voyageur. D’ailleurs, dans le Larousse, la différence entre les deux tient au fait qu’un effectue de longs déplacements (voyageur) alors que l’autre voyage et visite. On ne peut pas être que voyageur. On voyage pour voir des trucs, pour en vivre…et c’est là qu’on devient touriste. C’est pas moi qui le dis, c’est le Larousse.

Néanmoins, je pense que la chose la plus importante à retenir est qu’on représente, d’une certaine façon, notre pays. L’impression que nous laisserons comme Canadiens et comme Québécois pourra marquer des gens. Vaut mieux être sympathique et respectueux, dans ce cas-là! :)

Que signifie le mot “authentique” pour toi?

Question intéressante. Je me souviens d’y avoir réfléchi dans un de mes blogues de voyage. C’est probablement deux choses : la réalité du pays et l’impression qu’on se fait de la réalité du pays. Ainsi, on recherche toujours une expérience authentique, mais les gens des pays qu’on visite le savent et « organisent des expériences authentiques » qu’ils nous vendent. À ce moment, l’expérience est-elle toujours authentique? Si je dis que j’ai assisté à une danse tribale pour laquelle j’ai payé dans un village de Hmongs, est-ce vraiment authentique si c’est une vraie danse tribale? Est-ce plus authentique que d’avoir fait du pouce et d’avoir été embarqué par des locaux avec lesquels j’ai passé du bon temps? C’est dur à dire. Je pense que l’authenticité est une question assez personnelle finalement. Prends ce que tu viens chercher dans ton voyage et pour toi, ce sera toujours authentique.

Quel concept a le plus de sens pour toi: la durée d’un voyage ou la densité d’un voyage? Justifie ta réponse.

J’ai longtemps penché en faveur de la durée. Dans certains pays, la durée est incontournable en raison de l’éloignement. Aussi, j’aime l’idée d’être nomade, comme je l’ai déjà mentionné. Quand je pars longtemps, j’oublie qui je suis à Montréal et j’adore ça. Je deviens un nouvel être. Le problème, c’est que j’ai rarement envie de revenir après, même si une fois revenu, je suis content.

Après quelques voyages de plus courte durée en Europe, je dois cependant reconnaître les bienfaits d’un voyage dense. On voit plein de choses et même si c’est concentré, on a toujours envie de repartir ailleurs après. C’est important de toujours garder ce désir d’aller voir l’autre, d’aller ailleurs, de quitter le « Nous » paulinemaroisien.

Où traces-tu la ligne entre ouverture d’esprit et refus de tolérer des valeurs non conformes aux tiennes?

Là-dessus, j’espère être très ouvert. Faut dire que j’ai surtout été confronté à des évènements « soft » : un enfant dans une gare d’autobus qui défèque dans une poubelle à travers sa culotte comportant une longue craque alors que sa mère le tient suspendu, des Chinois qui jettent leur bouteille d’eau dans la rue comme si de rien n’était, etc. Mon seuil de tolérance est extrêmement élevé en voyage. Il le faut, surtout si on veut vivre des expériences « authentiques » !

Quelle place la spiritualité (sous toutes ses formes possibles) occupe-t-elle dans un voyage, selon toi?

Je regardais l’entrevue de Lise Ravary aux Francs-tireurs cette semaine [émission du mercredi 3 octobre 2012] et elle parlait de son voyage marquant en Israël… Je trouvais ça un peu exagéré. Néanmoins, le voyage l’a assez marquée pour qu’elle se convertisse au judaïsme après avoir lu sur le sujet. Aussi, il paraît que Steve Jobs a été très marqué par un voyage en Inde effectué en plus bas âge… Je pense qu’on voyage tous pour aller chercher quelque chose qui nous manque, mais que ce n’est pas forcément spirituel. Pour moi, la spiritualité n’occupe pas une place très importante. C’est plutôt un besoin de changer d’air que je comble par mes voyages.

Quelle est ta plus grande peur liée aux voyages?

Curieusement, elles sont assez nombreuses! Il y a le classique accident d’avion. Je crains tout de même un peu les attentats, même si je ne voyage pas vraiment dans des pays à risque. Le vol fait aussi partie de mes grandes craintes et je suis très prudent là-dessus. Toutefois, je pense que ma plus grande peur demeure de ne plus avoir envie de voyager parce que je suis trop blasé. Après deux voyages en Asie de l’Est en deux ans, j’étais vraiment « désenchanté ». Même si j’avais aimé le voyage, j’avais trouvé que c’était du pareil au même et que ça manquait de musées, de culture… L’année suivante, j’ai visité des capitales européennes (pendant moins longtemps) et ça m’a redonné le goût de voyager. Pour moi, l’attrait de la nouveauté est indissociable du voyage.

Quel serait ton voyage de rêve?

Impossible de choisir! Les destinations sont si nombreuses… J’ai des rêves tout de même réalistes : visiter la Nouvelle-Zélande et y grimper les montagnes, grimper toutes les montagnes sacrées de Chine, découvrir l’Amérique du Sud, reconnecter avec mes racines arabes… La liste est trop longue. Je suis mieux d’acheter un billet de loto.

Quels sont tes projets de voyage?

En principe, je vais en Asie en 2013, probablement en Thaïlande et au Laos. Si mon contrat se termine à l’été, je choisirai peut-être une autre destination à cause de la saison des pluies. J’aimerais bien faire un voyage sportif comme les chemins de Compostelle, même si c’est cliché. Le vélo et la marche sont assurément mes moyens préférés pour découvrir de nouveaux endroits! Aussi, j’ai envie de découvrir le Québec et le Nord-Est des États-Unis (et c’est assez abordable si tu campes). J’aimerais bien aller grimper le mont Albert et les plus hauts sommets des Adirondacks, entre autres.

La suite de cette entrevue sera publiée ce jeudi.

2 thoughts on “13 questions sérieuses à Philippe

  1. annick

    J’ai bien aimé cette entrevue , car je me reconnaîs bien dans les réponses de Philippe, et surtout je joue au loto comme lui pour un jour faire ce voyage (assez utopique ..) de plusieurs années (le rêve c’est de partir …et revenir chez soi quand l’envie de voyager s’éteindra…..) l’espoir fait vivre comme on dit chez nous .
    bon rêve à tous-;) et bonne route

    Reply
  2. Stéphane Pageau Post author

    Merci pour ton commentaire, Annick. Content de voir que tu as apprécié cette entrevue. Je te souhaite de remporter le gros lot et de faire le voyage dont tu rêves. Bonne chance…

    Reply

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire le pourriel. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.