Trouvailles: Brutalidad Total Records

Dans les années 1980 et au début des années 1990, époque pré-Internet, toutes les correspondances dans l’underground métal se faisaient par courrier, par échange de cassettes (« tape-trading »). Quel plaisir d’attendre une cassette démo d’un groupe inconnu de death métal de Rimouski ou de Pologne et quel plaisir quand elle arrive enfin dans une enveloppe coussinée, deux mois après l’avoir commandée. L’underground, en Amérique du Nord et en Europe occidentale surtout, s’est par la suite structuré. Différents degrés de profondeur sont apparus et tout s’est fragmenté, compartimenté en sous-genres. Cette complexification était inévitable, mais elle a aussi créé des divisions importantes au sein de la communauté métal (“Tu écoutes du Nuclear Assault? Pfeu, tu devrais plutôt écouter Legion de Deicide; ça, ça bûche”). Aujourd’hui, je m’ennuie parfois de cet enthousiasme débordant des débuts des scènes death et black métal, quand tout n’était un magma peu défini de musique brutale.

Un parfum du passé

C’est dans cet état d’esprit que, lors de mon séjour à Cuenca, j’ai acheté la compilation Ecuador Brutal Vol. 3, lancée par la compagnie de disques équatorienne Brutalidad Total Records, basée à Guayaquil. À vrai dire, je ne connaissais pas du tout cette compagnie, mais j’ai été charmé par l’enthousiasme qu’elle démontrait sur la pochette de l’album et à l’intérieur de celle-ci. Il m’a rappelé celui de cet underground métal du début des années 1990 si cher à mes souvenirs. En outre, la compagnie est tellement obscure que même LA référence Internet en matière de métal, Encyclopaedia Metallum, ne la recense même pas.

La pochette de la compilation "Ecuador Brutal Vol. 3" (crédit photo: http://www.brutalidadtotal.com/contenidos/lanzamientos/cdas-brutalidad-total.html)

La pochette de la compilation “Ecuador Brutal Vol. 3” (crédi: http://www.brutalidadtotal.com/
contenidos/lanzamientos/
cdas-brutalidad-total.html)

À ma première écoute de la compilation, j’ai été surpris; je m’attendais à un déluge de groupes death/thrash/black métal bestial, à l’image des groupes de la scène métal brésilienne des années 1980 et 1990 (Sepultura, Dorsal Atlântica, Sarcófago, Ratos de Porão, Korzus) ou de groupes comme le duo péruvien Anal Vomit (oui, vraiment), mais non. Bon, plusieurs groupes death et thrash métal, comme Agonia, Furia et Sublebacion Post Mortem, font sentir leur lourde présence, mais le disque propose aussi de nombreux groupes mélodiques de heavy/power métal et métal gothique, comme Dogma Pagano et Lago Gris.

Les quinze groupes présents sur le disque sont surtout originaires de Guayaquil et Loja et presque tous chantent en espagnol, ce qui donne des accents rafraîchissants à un genre de musique habituellement dominé par l’anglais et les langues nord-européennes. Seul Profanatus chante en anglais, avec sa pièce Welcome to Hell. J’ai cru que c’était une reprise du légendaire groupe britannique Venom, mais après plusieurs écoutes de chaque pièce, j’en ai conclu que ce n’était pas le cas. Mes pièces préférées: Amanecer de Dogma Pagano, Lluvia sobre mi rostro de Lago Gris et Lamentos de media noche de Arcade.

La qualité des chansons varie bien sûr d’une à l’autre et plusieurs styles sont couverts (métal progressif, power métal, heavy métal traditionnel, métal gothique, death métal, death métal mélodique, thrash métal). De plus, la pochette contient les informations pour joindre les groupes et des photos de ceux-ci; celle de 3 Chacales y El Rocho montre les musiciens dans une salle de bain et trois sont debouts autour d’un quatrième qui lui est assis sur une toilette, les pantalons baissés. Très chic. Aussi, la conception graphique, si elle n’est pas remarquable, demeure tout de même efficace, professionnelle. Dans l’ensemble, la compilation joue bien son rôle, soit de faire découvrir des groupes métal équatoriens.

Une invitation à la découverte

Je trouve intéressant de constater que, dans plusieurs pays, comme l’Équateur, la scène métal semble encore dans une phase d’exploration, et non de compartimentation. Je vous invite donc à visiter le site de Brutalidad Total Records (en espagnol seulement) et à découvrir une scène métal méconnue.

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