Critique: “Le tour du monde à vélo” de Françoise et Claude Hervé

(crédit photo: http://www.cherche-midi.com/theme/Le_tour_du_monde_a_velo-Francoise_et_Claude_HERVE_-9782862743653.html)

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Françoise et Claude Hervé sont partis de Lyon à vélo le 1er avril 1980, pour un voyage d’une durée de trois ans. Du moins, c’est ce qu’ils croyaient. Ils sont plutôt rentrés à Paris le 30 avril 1994. Ils sont toutefois revenus en France deux fois durant ce tour du monde, soit en 1984 et en 1989. Le livre “Le tour du monde à vélo” relate les péripéties de ce couple qui n’a pas eu froid aux yeux (sauf sur les hauts plateaux tibétains).

Des expériences marquantes

Certes, les chiffres impressionnent: 14 années sur la route; 503 crevaisons, 89 pneus usés, 66 pays visités (en tenant compte des situations géopolitiques de l’époque; par exemple, la Yougoslavie existait encore), plus de 150 000 kilomètres parcourus, 35 000 photos. Mais au-delà des statistiques, le couple a vécu des expériences hors du commun. À mes yeux, quatre ressortent du lot: les treize mois passés dans des camps de réfugiés au Cambodge; les mois consacrés à aider des lépreux en Inde; l’improbable traversée de la région du Darién; le dangereux trajet jusqu’au Tibet. Parfois, ces expériences n’étaient pas prévues, mais elles se sont présentées:

“Au début d’avril 1983, huit jours avant de partir pour Hong-Kong depuis Bangkok, en Thaïlande, nous décidons d’aller en car à la frontière cambodgienne. Nous sommes alors bien loin de penser que cette décision va complètement bouleverser notre voyage. Nous pensions rester quelques jours sur place. Nous y séjournerons treize mois!”. (p. 93)

Le travail humanitaire et les traversées de régions hostiles ont ainsi forgé le caractère des protagonistes. Ces expériences ont repoussé leurs limites, elles ont testé leur endurance, tant au plan physique que psychologique. Ils ont quitté leurs zones de confort, ils ont sauté à pieds joints dans l’inconnu, dans des univers situés à des années-lumières de leur confortable vie d’avant. Et ils en sont revenus grandis.

“Après avoir résisté à la furieuse envie de fuir ces lieux tragiques [les léproseries]”, nous apprenons à comprendre, à aimer ces gens à travers leur chaleur humaine et leur volonté de survivre. Grâce à eux, nous avons perçu une autre dimension, celle de l’amour. Lorsqu’il ne reste plus rien à l’être humain, il subsiste encore l’amour. Ces êtres déshérités, anéantis nous ont fait prendre conscience des choses essentielles de la vie. Leur force mentale et spirituelle a enrichi nos modes de pensée et de conduite. […].” (p. 71)

Naissance sur la route

Un des aspects les plus fascinants de toute cette aventure est que Françoise et Claude ont eu leur premier enfant sur la route. Leur fille, Manon, est née le 12 septembre 1988, à Palmerston North, en Nouvelle-Zélande. Elle a donc passé les six premières années et des poussières de sa vie sur la route. Évidemment, une telle situation soulève bien des questions logistiques: quoi apporter pour assurer des soins de qualité au bébé? Comment gérer les réactions de la petite dans les moments plus difficiles? Comment lui inculquer des notions élémentaires de diverses matières scolaires? etc. La débrouillardise était donc de mise. Ces segments devraient particulièrement intéresser les familles tentées par une aventure d’envergure.

Tant à dire, si peu de pages

Comme pour le livre “L’homme qui marche” de Jean Béliveau, le problème de “Le tour du monde à vélo” vient du fait que résumer quatorze années de voyage en 283 pages ne rend pas justice à la magnitude de l’expérience. De toute évidence, les auteurs ont compris cette contrainte, au moment de la rédaction, et c’est sans doute pourquoi ils ont choisi de décrire certains épisodes avec plus de détails que d’autres: par exemple, la traversée de l’Amérique du Sud est résumée en une vingtaine de pages, soit un peu plus que le nombre de pages sur leur séjour dans les camps de réfugiés cambodgiens. Cette sélection de récits rend l’émotion plus concentrée, l’histoire plus intense. Pas de place pour les temps morts, les séquences s’enchaînent et entraînent le lecteur dans cette incroyable aventure sans lui laisser de reprendre son souffle.

Au bout d’eux-mêmes

J’ai terminé le livre et je me suis dit que peu de gens oseraient tenter un tel voyage. Françoise et Claude Hervé n’avaient peut-être pas imaginé la portée véritable de leur tour du monde, mais ils ont eu l’audace de foncer, sans s’imposer de limites. Et c’est cette réceptivité à l’inconnu qui a rendu ce voyage aussi riche, aussi captivant, qui leur a permis d’aller au bout d’eux-mêmes. “Le tour du monde à vélo” est disponible aux éditions Le Cherche midi.

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