La lucha libre, le Mexique et moi

Ça va faire mal...

Ça va faire mal…

Voici enfin, enfin mon billet sur la lucha libre (lutte libre), la lutte mexicaine (ou catch mexicain, pour mes ami-es européen-nes). Depuis ma plus tendre enfance, je suis un fan de lutte (« Macho Man » Randy Savage et Bret « The Hitman » Hart étaient alors mes lutteurs préférés. Ils le sont encore aujourd’hui). À un point tel que j’ai fait mon mémoire de maîtrise sur ce sujet et que j’ai écrit une série d’articles là-dessus sur ce blogue (1, 2 et 3). Ainsi, en sachant que j’allais traverser le Mexique, je m’étais promis d’aller assister à un gala de lucha libre. C’était d’ailleurs une des seules activités que je tenais absolument à effectuer durant ce voyage. Et c’est que j’ai fait, et trois fois plutôt qu’une: à Guadalajara, le 3 février, à Guanajuato, le 15 février, et à Mexico City, le 22 février. Je vous livre ici mes impressions sur cet aspect important de la culture mexicaine.

Principales caractéristiques de la lucha libre

La lucha libre se démarque des autres styles de lutte populaires (comme ceux pratiqués aux États-Unis ou au Japon) par certains éléments. Le plus connu d’entre eux – et le plus visible – est le port de mascaras (masques) par les luchadores (les lutteurs). Le masque constitue une partie intégrante de l’identité du personnage interprété par le luchador. Les couleurs, les motifs, la forme du masque varieront en fonction de l’identité recherchée: par exemple, un méchant en portera un qui mettra l’accent sur son côté agressif, grâce à l’incorporation de symboles évoquant un animal agressif. Les bons sont désignés comme les « técnicos » et les méchants, comme les « rudos ». Cette dichotomie est centrale et essentielle aux récits de la lucha libre.

Autre caractéristique majeure de la lucha libre: les luchadores effectuent des mouvements de haute voltige. Ils sautent à partir des cordes (surtout la 3e, celle du haut), ils effectuent des séquences complexes requérant une grande agilité, ils bougent avec rapidité. Ils donnent ainsi l’impression qu’ils n’ont que peu ou pas d’égard pour la sécurité, la leur comme celle de leurs adversaires. Considérant que beaucoup de luchadores portent des masques et que ces masques limitent leur champ de vision, cette attitude peut engendrer des risques réels, car ils peuvent ne pas bien voir où se trouvent leurs rivaux dans le ring ou à l’extérieur de celui-ci. Une erreur de jugement et de graves blessures, voire la mort, peuvent survenir. Ainsi, lors d’un gala tenu à Tijuana, le 21 mars 2015, Perro Aguayo Jr. (de son vrai nom: Pedro Aguayo Ramírez) a perdu la vie dans le ring, après une interaction avec le légendaire Rey Mysterio Jr. Ce dernier a fait un saut chassé sur Ramírez (dropkick: quand un luchador saute vers un rival et le frappe avec ses deux jambes, avant de retomber au sol), et Ramírez est tombé gorge première sur la 2e corde (celle du milieu). Il serait mort instantanément. L’autopsie a révélé que Ramírez est décédé des suites d’une crise cardiaque provoquée par la fracture de trois vertèbres cervicales. Une enquête policière est en cours dans ce dossier et des accusations pourraient être déposées. Ce décès avait créé toute une onde de choc dans le monde de la lucha libre. Comme quoi, malgré le caractère théâtral de la lucha libre, les risques existent et les luchadores doivent en tenir compte.

Aussi, beaucoup de matchs sont présentés sous le format « 2 tombés sur 3 » (« 2 out of 3 falls »; un tombé survient lorsqu’un luchador plaque les épaules de son adversaire au tapis pendant 3 secondes). Ce format est rare dans le style américain. Mais en lucha libre, il s’avère très commun. Personnellement, je l’aime bien, il permet aux luchadores de prendre leur temps pour raconter un récit. En outre, des femmes peu vêtues viennent présenter chaque tombé, à l’instar de celles qui présentent les reprises (rounds) à la boxe. Cet aspect de la lucha libre semble plaire aux hommes dans la foule, à en juger par leurs réactions exaltées: ils sifflaient et hurlaient des obscénités à l’endroit de ces femmes avec un enthousiasme collégien. Cet aspect machiste me rebute au plus haut point, d’autant plus qu’il n’est pas du tout nécessaire à la construction des récits. Mais bon. Ceci dit, les matchs de ce format se rendent toujours à 3 tombés, afin de créer plus d’intensité dramatique. Procédé classique et toujours efficace. Enfin, les matchs opposant des équipes de 3 luchadores sont aussi très courants, en lucha libre.

La Leyenda...  une femme qui botte des culs.

La Leyenda… une femme qui botte des culs.

D’ailleurs, les luchadores interagissent beaucoup avec le public, au point que celui-ci peut être considéré comme un personnage à part entière. Ces interactions sont plus fréquentes dans la lucha libre que dans les autres styles de lutte: par exemple, dans le style américain, les lutteurs s’en tiennent davantage au scénario, peu importe les réactions suscitées. Le match entre John Cena et Triple H, lors du gala Wrestlemania 22, démontre ce trait avec éloquence. Dans la lucha libre, les spectateurs s’en donnent à coeur joie, même les enfants; je n’oublierai jamais ce garçon d’environ 8 ans qui hurlait « ¡Chinga tu madre! » (« baise ta mère ») à un méchant… mignon. Des mots comme « ¡Culero! » et « ¡Puto! » sont aussi généreusement utilisés par la foule survoltée à l’endroit des méchants. Pas besoin de traduire, je crois. Et quand un luchador effectue un mouvement sensationnel, les spectateurs en redemandent en criant « ¡Otra! ¡Otra! ». Maintenant que j’ai décrit quelques-unes des principales caractéristiques de la lucha libre, je vais parler de mes expériences.

Guadalajara

Pour mon premier gala, j’ai choisi de participer à une excursion offerte à mon auberge (Hostel Hospedarte): j’ai donc payé 220 pesos (environ 18,53 $ CAN) pour la soirée. Le prix incluait le billet d’entrée, le transport dans un bus-bar, un shooter et le transport dans une soirée post-gala au bar La Factoria. Le gala de 6 combats se déroulait à l’Arena Coliseo et il était présenté par le Consejo Mundial de Lucha Libre (CMLL). L’évènement débutait à 20 h 45, mais le bus est parti de l’auberge vers 21 h. Bleh. J’avais enfilé mon propre masque de luchador pour l’occasion, comme de nombreux autres amateurs. La foule était en délire. Et moi aussi.

De l'attitude à revendre...

Un masque donne de l’attitude à n’importe qui… même à votre humble serviteur

Dans l’aréna, les spectateurs n’ont pas le droit de filmer ou de prendre des photos avec flash. Je l’ai appris à mes dépens, quand un gardien est venu m’avertir de ne pas filmer. Aussi, la sécurité est serrée: chaque spectateur fait l’objet d’une fouille corporelle et chaque sac est inspecté. Par ailleurs, de la bière est vendue dans l’amphithéâtre, à 30 ou 35 pesos (2,38 à 2,78 $ CAN) le verre, selon la marque. La bière est vendue à des comptoirs ou par des vendeurs ambulants qui circulent dans les gradins. Il est même possible d’en acheter deux d’un seul coup, dans un grand, grand verre. Un des vendeurs ambulants parlait français. Il m’a plu.

De l'action à revendre...

De l’action à revendre…

La foule devait s’élever à au moins 500 – 600 personnes, je dirais. Ambiance électrique du début à la fin. Le tout s’est terminé vers 22 h 15. Un peu court à mon goût, ce gala. Puis, on est partis au bar dans le bus-bar, où l’alcool a coulé à flots pendant les quelques minutes du trajet. Le délire s’est poursuivi à La Factoria, d’autant plus qu’on était 6 ou 7 avec nos masques de luchadores. La séance photo a ainsi été très comique. Retour à l’auberge vers 2 h. Superbe soirée, mais j’ai trouvé que l’excursion semblait avoir été davantage planifiée pour le bar que pour la lucha libre. Ce serait certes bien moins cher d’y aller par soi-même ou en petit groupe, en ne payant que le taxi et le billet, mais je ne regrette rien, ce fut amusant de vivre cette première fois en groupe. Détail important: le secteur autour de l’Arena Coliseo ne serait pas des plus sécuritaires, après minuit.

Guanajuato

Mon deuxième gala fut une surprise. Je me promenais dans les rues de Guanajuato, tout ingénu, quand j’ai aperçu une affiche annonçant un gala de lucha libre pour le 15 février. Une date qui me convenait. Le prix du billet? Seulement 40 pesos (environ 3,17 $ CAN). Comme si j’avais besoin d’une raison supplémentaire pour me convaincre…

La fameuse affiche

La fameuse affiche

Le soir du 15, je me suis rendu au Sindicato Minero, en face du Mercado Hidalgo; j’étais l’un des premiers spectateurs. Peu à peu, la salle s’est remplie. Au début du gala, le public devait s’élever à environ 80 personnes. Mais ces 80 personnes étaient en pleine forme pour les 6 combats du gala. Résultat: 1 h 45 de cris, d’insultes et d’interactions avec les luchadores. Ces derniers se sont même battus dans la foule. Il y avait des masques, des chaises, du sang, de la haute voltige. J’étais ébloui. Fantastique soirée. À noter qu’il n’y avait pas de vente de bière lors de l’évènement, car, de toute évidence, c’était un gala familial, tsé.

Ça joue dur à Guanajuato

Ça joue dur à Guanajuato

Mexico City

Mon troisième et dernier gala a eu lieu dans le mythique Arena Mexico de Mexico City, le Madison Square Garden de la lucha libre. Le gala était organisé encore une fois par le Consejo Mundial de Lucha Libre (CMLL). J’ai payé mon billet 85 pesos (environ 6,79 $ CAN), directement à un guichet de l’aréna, et j’avais une excellente place. Un truc pour l’achat de billet: il ne faut pas choisir de billet autour du ring. La vérité, c’est que, de cet emplacement, on ne voit pas très bien l’action, car le ring est légèrement surélevé par rapport à la foule. La vue des spectateurs dans la première rangée est donc cachée en partie par le ring. Par ailleurs, l’Arena Mexico est situé près de la station de métro Cuauhtémoc (ligne 1). Une fois hors de la station, il faut marcher environ 5 minutes pour s’y rendre. En cas de doute à propos du chemin, demandez à quelqu’un dans la rue, tout le monde connaît l’endroit.

Arena Mexico

Arena Mexico, lieu mythique

Comme pour les autres galas, 6 combats figuraient au programme. Ces combats mettaient en vedette des noms connus, comme Místico, et moins connus, comme la lutteuse canadienne Dark Angel. Plutôt talentueuse, cette Dark Angel. Le gala a duré 2 h 30 et la foule devait s’élever à près de 1000 personnes. Public surexcité, comme toujours. Je ne m’en lasserai jamais. J’ai remarqué que la qualité des matchs de ce gala était supérieure à celle des autres galas auxquels j’ai assisté. Mexico City étant le point névralgique de l’univers de la lucha libre, il est normal que les meilleurs luchadores du pays (et d’ailleurs) viennent s’y produire.

Danger imminent...

Danger imminent…

En sortant de l’aréna, j’ai vu un kiosque qui vendait des masques. Un signe du destin. Je ne pouvais pas ne pas en acheter un. Tant qu’à en ramener un, je me suis dit que l’endroit s’y prêtait à la perfection. J’ai donc choisi celui de El Valiante, aux couleurs orange, blanc et doré, et je l’ai payé 100 pesos (environ 7,93 $ CAN). Les masques les moins chers coûtent 50 pesos (environ 3,96 $ CAN). J’ai choisi ce masque pour le look, pas parce que je suis un grand fan de ce luchador (je ne le connais pas vraiment, en fait). L’association entre ce masque et ce gala sera maintenant éternelle. J’étais très heureux de mon achat, d’autant plus qu’il m’a bien servi lors d’une soirée festive à mon auberge de San Cristóbal de Las Casas. Un investissement vite rentabilisé.

Attentes comblées

À la lueur de ces trois expériences, j’ai constaté à quel point la lucha libre passionne les Mexicain-es. J’ai adoré moi aussi. Malgré certains aspects désagréables. J’encourage donc celles et ceux qui vont ou qui prévoient aller au Mexique à assister à au moins un gala de lucha libre. Enivrante expérience culturelle garantie. ¡Otra! ¡Otra!

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