Bilan: 8 mois sur la route

Calle Calzada, Granada

Calle Calzada, Granada. Lieu de tant de moments délirants.

Et un huitième mois sur la route s’achève; un mois entièrement passé au Nicaragua. Et un neuvième commence. L’aventure se poursuit.

Les leçons

– J’ai été attaqué par des bandits à Granada et je me suis défendu. La réaction la plus dangereuse et immature qui soit. Je n’en suis pas fier, avec du recul. Mais bon, je m’en suis tiré indemne, grâce à mes notions de kung fu. Et maintenant, je sais que je peux me défendre, si la situation l’exige. J’ai aussi compris que je pouvais maîtriser la violence. C’est à la fois grisant et terrifiant. Un tel pouvoir… et de telles responsabilités. Cependant, je ne veux jamais revivre de tels moments, car, si j’ai été chanceux cette fois, rien ne me permet de croire que je le serai à nouveau;

– Autant j’aime découvrir les particularités de chaque culture, autant je préfère maintenant me concentrer sur ce que je partage avec les gens que je rencontre. S’arrêter à la différence, c’est le degré superficiel de la rencontre, c’est la facilité, c’est éviter de creuser davantage pour découvrir ce qui se trouve au-delà de l’évidence. Car la différence, c’est l’évidence: couleur de peau, de cheveux, de yeux, taille, poids, religion, langue, etc. On est toutes et tous différent-es, de tellement de façons.

Rafael et moi, lors de la célébration sandiniste

Rafael et moi, lors de la célébration sandiniste à León.

Mes plus belles rencontres ont été celles où « l’Autre » et moi avons partagé quelque chose d’intime, quelque chose qui allait au-delà des différences, quelque chose que l’on avait en commun; par exemple, une conversation sur les ruptures amoureuses, avec Fernando, à Kandy; une discussion sur la difficulté de faire ses propres choix de vie, avec Linh, à Sihanoukville; un échange sur l’influence du politique sur la vie quotidienne, avec Rafael, à León, etc. Je recherche ces bouts d’humanité que l’on vit chacun-e à notre façon, afin de me rapprocher des gens: l’amour, la haine, le courage, la peur, l’humour, l’humiliation, la joie, la douleur… on partage tellement plus que ce que l’on imagine parfois. Je cherche donc à créer davantage de ponts entre les individus. Angélisme? Oui. Et pleinement assumé;

– J’ai de plus en plus de difficulté avec les personnes qui présupposent que les gens qui vivent en campagne ou dans les petites villes sont plus « authentiques » que les citadins, que les cultures rurales sont plus « vraies » que les cultures urbaines, etc. Je serais curieux de savoir à quel point ces mêmes personnes se tiennent avec des « ruraux » dans leur propre pays, à quel point elles se considèrent « authentiques » même si elles vivent en ville, à quel point leur propre culture urbaine est « authentique », etc. Cette idée que la « vraie » culture d’un pays ne vit et survit que dans les campagnes est tellement réductrice; comme si les villes étaient toutes interchangeables, comme si elles n’avaient pas de personnalité, comme si elles n’étaient que des lieux où les gens ne font que travailler et consommer. Toute culture existe en plusieurs degrés, en plusieurs nuances, aucune plus « vraie » que l’autre, certaines plus vieilles que d’autres, mais toutes ces nuances coexistent en même temps, elles font partie d’un même continuum, d’un même univers plus vaste;

Les premières fois

Quel bonheur de se foutre à poil dans un aussi beau plan d'eau.

Quel bonheur de se foutre à poil dans un aussi beau plan d’eau.

J’ai descendu un volcan actif (le Cerro Negro, au Nicaragua) sur une luge adaptée à cette activité. Ce fut intense; j’ai participé à une célébration sandiniste à León, ma première activité « politique » depuis mon départ; j’ai vu une femme acheter un énorme gâteau de fête, puis l’apporter dans l’auberge où je logeais à Granada et en offrir à tou-tes les invité-es; j’ai essayé une balance payante, dans un supermarché de Granada. Concept amusant. Eh bien, j’ai pris du poids; je me suis fait cloner une carte de crédit et j’ai dû m’en faire venir une nouvelle à mon auberge, à Granada. Purolator a été à la hauteur; j’ai fait un bain de minuit dans un lac volcanique, à la Laguna de Apoyo; J’ai enfin tenté l’expérience « mariachis » sur la Calle Calzada, à Granada. Ils ont chanté Mariposa Traicionera de Maná et une chanson de folklore nicaraguayen; j’ai été attaqué par des bandits, à Granada;

Les meilleurs moments

J’ai fait moins d’activités ce mois-ci, j’ai ralenti le rythme de mes déplacements et j’ai surtout savouré mes rencontres. J’ai croisé bien de gens intéressants. Par ailleurs, j’ai rencontré beaucoup de Québécois-es au Nicaragua, beaucoup plus que dans les autres pays de la région. Voici donc les meilleurs moments de ce mois: ma participation au 36e anniversaire de la libération du fortin de León, avec une bande de sandinistes survoltés; ma sortie de « volcano boarding » au Cerro Negro;

L’anniversaire célébrée à mon auberge de Granada; mes fréquentes baignades dans la piscine de mon auberge de Granada, afin de combattre la canicule; la soirée du Pub Quiz au Reily’s de Granada; la fois où j’ai regardé de la lutte à mon auberge de Granada (Smackdown, le match entre Cesaro et Rusev); mes journées à la Laguna de Apoyo; mon bain de minuit dans la Laguna de Apoyo; ma discussion sur la musique avec une femme de Managua (je lui ai suggéré quelques artistes québécois, comme les Planet Smashers, Jean Leloup, Karkwa, Marjo, Mara Tremblay), à la Laguna de Apoyo; mes folles soirées sur la Calle Calzada de Granada; la poutine cuisinée à León et celle achetée à San Juan del Sur; toutes mes rencontres;

Les pires moments

– J’ai déjà été volé deux fois en voyage, mais chaque fois, l’incident s’était déroulé sans atteinte à mon intégrité physique. Or, pour la première fois de ma vie, j’ai été attaqué par des bandits à Granada. Horrible expérience, mais qui s’est bien terminée malgré tout. J’y reviendrai peut-être dans un billet ultérieur;

– Une de mes cartes de crédit a été clonée, sans doute au Salvador. Aussitôt que j’ai été avisé d’activités suspectes sur ma carte, j’ai contacté mon fournisseur, j’ai fait annuler ma carte (des fraudes avaient été bel et bien effectuées à l’aide de celle-ci) et j’ai attendu l’envoi d’une nouvelle. J’ai contacté mon fournisseur de carte un samedi après-midi; or le mercredi matin suivant, je recevais ma nouvelle carte via Purolator. Super service

Et pourtant, il y a des noms de rue...

Et pourtant, il y a des noms de rue…

Fait amusant: pour recevoir ma nouvelle carte, j’avais donné l’adresse de mon auberge de Granada; une adresse plutôt confuse, selon les standards nord-américains. Elle faisait référence à la position géographique de l’auberge par rapport à d’autres lieux importants de la ville et non à un numéro de porte. Une fois ma nouvelle carte reçue, je l’ai activée. Il y a eu d’autres pépins par la suite, j’ai donc dû rappeler ma compagnie de carte de crédit, mais là, tout fonctionne;

– Je me suis pesé sur une balance payante, dans un supermarché de Granada. J’ai constaté que j’avais pris environ 12 livres (environ 5,5 kilos) depuis le début de mon voyage. La raison? J’ai développé un goût immodéré pour le poulet frit et les boissons gazeuses et je bois de la bière. Un trio infernal;

– J’ai oublié mon imperméable dans un bus, entre Rivas et San Juan del Sur. Je continue donc de perdre mes trucs;

En conclusion

J’ai beaucoup aimé rencontrer autant de personnes intéressantes en si peu de temps. Je ne sais pas si ce mois sera un baromètre pour ceux qui viendront, mais il aura une place de choix dans mes meilleurs souvenirs de ce voyage. Malgré tout. Le prochain mois pourrait être mon dernier en Amérique centrale. Je devrais arriver en Colombie au cours des prochaines semaines. Il me reste encore à régler la logistique de ce déplacement, mais ça ira. Ça s’arrange toujours.

2 thoughts on “Bilan: 8 mois sur la route

  1. Tiphanya

    Connais-tu cette série de photos qui semblent être prise pendant un shooting photo pour agence de voyage ? Décor paradisiaque, costume “traditionnel”, ambiance “authentique”. Sauf qu’il y a toujours un truc qui est décalé et montre la mise en scène.
    Je me souviens d’une jeune thaïlandaise en train d’envoyer des messages sur un téléphone dernier cri et de jeunes danseurs zoulous, assis devant une maison avec sur le haut du corps leur “costume” et en bas des shorts en jeans et des baskets.
    Dommage que je ne me souvienne pas du nom du photographe (mais j’ai une très mauvaise mémoire des noms).
    Contente de voir que ton agression s’est bien terminé, mais cela doit entamer la confiance en soi quand même, non ?

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    1. Stéphane Pageau Post author

      Merci Tiphanya! Je ne connais pas cette série de photos, mais je peux très bien l’imaginer. C’est un peu ce qui me dérange d’aller visiter certaines communautés, cette impression d’expérience préfabriquée pour plaire aux touristes. Je préfère visiter les communautés quand elles m’invitent.

      En fait, cette histoire m’a donné confiance, car, maintenant, je sais que je peux me défendre avec succès, en cas d’agression. J’ai aussi pris conscience des responsabilités qu’une telle leçon implique. Ce fut une expérience très éclairante, mais je ne souhaite pas la revivre.

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