Tachkent, passage obligé en Ouzbékistan

Poutine ouzbèque

Poutine ouzbèque

Tachkent est un passage obligé en Ouzbékistan; que ce soit pour son aéroport, sa gare ou son terminus, pour son importance au plan administratif, pour le fait que la ville se trouve à quelques dizaines de kilomètres de la frontière avec le Kazakhstan, le voyageur finira bien par débarquer dans la capitale ouzbèque à un moment ou à un autre. Et ce n’est pas une mauvaise chose. Même si elle végète dans l’ombre de Samarcande ou de Boukhara, Tachkent compte pourtant plusieurs attraits intéressants. Suivez-moi.

Général

Si l’on exclut Kaboul, en Afghanistan (le rattachement du pays à l’Asie centrale ne fait pas l’unanimité), Tachkent est la plus grande ville de la région, avec ses 2,3 millions d’habitant-es (2013). Son nom signifie peu ou prou « citadelle de pierre »: « taš », pour « pierre » et « kand » (ou « kent »), « ville » ou « bourg », en ouzbek. Tachkent, comme Québec, est à la fois le nom d’une ville et d’une province. Lors de la chute de l’U.R.S.S., en 1991, Tachkent était même la 4e plus grande ville de l’Union, après Moscou, Saint-Pétersbourg et Kiev. Les origines de Tachkent remonteraient au 5 siècle av. J.-C., mais elles font l’objet de débats entre gens sérieux qui ont dû écrire des thèses aux titres fort divertissants. Avance rapide jusqu’au 26 avril 1966: un tremblement de terre d’une magnitude de 7,5 sur l’échelle de Richter a provoqué la destruction de plus de 78 000 résidences, laissant 300 000 personnes dans la rue. Cet évènement a mené à l’adoption d’un plan d’urbanisme à la soviétique. Près de 100 000 maisons furent ainsi construites avant 1970. La ville a alors été garnie de larges avenues bordées d’arbres, de parcs et de grandes places capables d’accueillir des parades militaires et de blocs d’habitation au style pour le moins minimaliste. Par conséquent, il ne reste dans la ville que peu de monuments ou vestiges évoquant le passé de la Route de la Soie.

Il y a tout de même de jolis monuments, comme le Musée Amir Timur, qui se trouve sur les billets de 1000 soms.

Il y a tout de même de jolies attractions à Tachkent, comme le Musée Amir Timur, qui se trouve sur les billets de 1000 soms.

Quiconque visite l’Ouzbékistan constatera en moins de temps qu’il n’en faut pour épeler le nom du pays qu’un marché noir des devises existe ici. Tachkent n’échappe pas à cette réalité. Le taux officiel pour le $ US, en octobre 2016, était de 1 pour 3100-3200 soms. Or sur le marché noir, pour 1 $ US (environ 1,34 $ CAN), le taux atteignait au moins le double, soit autour de 6200-6300 soms. Je ne connais pas les taux pour l’Euro et, à ma connaissance, il ne suscite pas autant d’intérêt que le dollar. Les changeurs, officiels ou pas, demeurent faciles à trouver. Par exemple, des hommes traînant des sacs en plastique plein de soms abordent les touristes autour de la gare. Ils ne sont pas trop insistants, au moins. J’ai même changé de l’argent chez un boucher (!) qui avait une machine pour compter des billets et un coffre-fort dans son minuscule commerce. Mon auberge changeait de l’argent, aussi. Alors pas d’inquiétude, au plan monétaire. « Ils » vont venir vers vous. D’autant plus que les guichets automatiques sont rares dans la capitale; j’en ai aperçu quelques-uns autour du centre, dans le secteur de la place de l’Indépendance. Mais mieux vaut traîner de l’argent comptant. En outre, je n’ai pas senti que la ville était dangereuse, mais les précautions de base s’imposent, et pas seulement quand vient le temps de se promener avec de généreuses sommes d’argent.

Liasses de soms.

Liasses de soms.

Transport

Tachkent possède l’un des principaux aéroports d’Asie centrale. Il comprend les deux terminaux habituels: un pour les vols internationaux et un pour les vols intérieurs. Uzbekistan Airways y propose plusieurs liaisons avec les autres villes du pays, à des prix raisonnables. Idéal pour celles et ceux qui ne disposent que de peu de temps pour visiter le pays. Par exemple, il semblerait qu’un trajet en train/bus entre Tachkent et Khiva durerait environ 20 h… alors qu’un vol ne prend que 1 h 40. J’ai payé environ 120 $ US (environ 161,28 $ CAN) pour un vol Tachkent-Urgench, via l’agence de voyages Advantour. Les détails de cette transaction ici.

Terminal des vols domestiques

Terminal des vols intérieurs

Tachkent possède aussi l’un des deux seuls réseaux de métro d’Asie centrale (avec celui d’Almaty, au Kazakhstan); les 29 stations, réparties sur trois lignes (Chilonzor, rouge; O’zbekiston, bleue; Yunusobod, verte)), sont superbement décorées, nombre d’entre elles ont presque l’air de cathédrales. Mais il est interdit de les photographier. Et la règle est strictement appliquée. Je n’ai pas essayé de la transgresser et je ne le conseille à personne, considérant la présence de gardes dans chaque station. En outre, pour entrer dans chacune d’elle, toute personne doit montrer une pièce d’identité. Le touriste, lui, doit présenter son passeport et son visa, mais des photocopies – couleurs, de préférence – sont acceptées. J’ai eu l’impression que certains gardiens s’amusaient à créer une fausse tension en vérifiant mes documents. Ils prenaient leur temps, ils scrutaient mes papiers avec curiosité, en échangeant des regards légers. J’imagine que stresser un touriste constitue un plaisir sous-estimé. Un jeton de métro coûte 1200 soms.

L'entrée de la station **

L’entrée de la station Mustakillik Maydoni

Côté automobile, les gens conduisent avec témérité, ici. Traverser la rue devient un exercice périlleux. J’ai eu des « flashbacks » de Hô-Chi-Minh-Ville, mais au lieu d’affronter des nuées de motos, les misérables piétons doivent se mesurer à des files de voitures guidées par des esprits déterminés à ne pas céder la route. Bien sûr, Tachkent compte moins de voitures que Hô-Chi-Minh-Ville ne compte de motos, mais la terreur reste la même. Les voitures ralentissent à peine, frôlent les piétons et leur donnent une frousse pas possible. Par ailleurs, pour une raison quelconque, les voitures sont presque toutes blanches. Étrange vision.

Le « trafic » de Tachkent...

Le « trafic » de Tachkent…

Encore plus surprenant, chaque conducteur est un chauffeur de taxi potentiel. Il suffit de héler une voiture et, presque à coup sûr, le chauffeur s’arrêtera. Alors commence la négociation. Intéressant concept. Comme un Uber, mais sans la technologie. Les résultats sont toutefois plus ou moins heureux, selon les connaissances du chauffeur. Une amie et moi avons eu droit à de nombreux détours non voulus un soir, en rentrant à notre auberge. Les prix semblent toutefois abordables: par exemple, il en coûte autour de 6000 soms pour le trajet entre l’auberge Topchan Hostel et le parc Alister Navoï. Enfin, je n’ai pas essayé les bus urbains, mais le réseau m’a paru assez vaste et je crois pouvoir affirmer sans me tromper que la plupart des destinations dans Tachkent sont faciles à atteindre grâce à ce réseau.

Hébergement

Je dois mon séjour en Ouzbékistan à l’auberge Topchan Hostel. Son personnel a effectué les démarches pour m’obtenir la lettre d’invitation dont j’avais besoin pour mon visa. J’ai payé 40 $ US (environ 53,67 $ CAN) pour ce service et je ne l’ai pas regretté. Tout était en règle, lors de mon arrivée à l’aéroport. J’ai eu mon visa en 6 minutes 33 secondes. Mais surtout, j’ai passé d’excellents moments à l’auberge. J’y ai rencontré des gens formidables, comme ce musicien madrilène qui a déjà croisé la chanteuse espagnole Eva Amaral (je suis jaloux) ou ces deux Malaisiennes d’à peine 20 ans qui traversaient l’Asie centrale en stop. J’ai même cuisiné une poutine et j’ai fait découvrir ce plat à plusieurs personnes. Une des Malaisiennes, pourtant toute menue, en a mangé plus que moi. Une vraie guerrière. J’ai aussi donné un sachet de sauce à poutine en poudre à une Russe, pour qu’elle puisse le montrer à son entourage. Elle a bien rigolé en apprenant qu’un plat québécois portait le nom du président russe. J’ai donc apprécié l’ambiance sociale, décontractée de l’établissement. En plus, le personnel était charmant, attentionné. J’ai eu de bonnes conversations avec lui, dont une sur l’avenir post-Karimov pour le pays. J’ai payé 14 $ US (environ 18,78 $ CAN) la nuit pour une chambre et 11 $ US (environ 14,76 $ CAN) la nuit pour un lit en dortoir, délicieux déjeuner inclus.

L'auberge Topchan Hostel

L’auberge Topchan Hostel

Topchan Hostel est située à une treizaine de minutes de l’aéroport en taxi. En temps normal, un taxi pour couvrir cette distance coûte autour de 13 000 soms. Par contre, le transfert proposé par l’auberge coûte 10 $ US (environ 13,40 $ CAN). J’avais pris le transfert à mon arrivée, puisque mon vol se posait en Ouzbékistan en pleine nuit, vers 1 h. Question de préférence. Encore mieux: Topchan Hostel se trouve à 19 minutes à pied du métro (station Toshkent; ligne O’zbekiston), de la gare et du terminus (ils sont tous voisins). Plusieurs commerces sont aussi accessibles à pied, ce qui vous permettra d’acheter le nécessaire pour réaliser votre propre « MasterChef Ouzbékistan », de vous procurer de l’alcool chez un commerçant bête comme ses pieds et de changer des devises chez le boucher. Par contre, par rapport aux principaux attraits et monuments, l’auberge est un peu excentrée. D’où l’importance du métro.

La Statue de la Mère-Patrie

La Statue de la Mère-Patrie

L’auberge met à la disposition de ses invité-es, entre autres, une cuisine assez bien équipée, des douches propres (avec de l’eau chaude à souhait), des aires communes confortables (avec plein de coussins) et un fumoir. Une piscine a même été installée, mais elle était hélas fermée quand je suis passé. J’aurais tant aimé sentir, en territoire ouzbek, les gouttes d’eau glisser sur mon torse velu. Des lits individuels, et non superposés, emplissaient mon dortoir. Chaque lit avait son volumineux casier individuel et sa propre prise électrique. De nombreux services sont aussi offerts, comme le lavage, l’échange de monnaie, l’envoi de courrier, etc. Enfin, j’ai eu droit de la part du personnel à un gâteau et une bouteille de vin pour souligner mon anniversaire. J’étais ému. Bref, j’ai beaucoup aimé mon séjour à l’auberge Topchan Hostel et j’y retournerais.

La suite de ce billet sera publiée sous peu: quoi faire à Tachkent, à part manger de la poutine.

4 thoughts on “Tachkent, passage obligé en Ouzbékistan

  1. annick

    Cool ton billet, surtout au sujet de la poutine et du boucher qui fait du change, je suis en train d’apprendre le Russe et les in scriptions sur les façades me sont d’un coup familières :-)))
    je garde l’adresse de ton auberge qui me parait très bien !!
    bonne journée …l’hiver arrive
    до свидания

    Reply
    1. Stéphane Pageau Post author

      Merci Annick! Content de voir que mon billet t’a plu. Oui, c’est une auberge agréable, j’y ai croisé autant des familles que des cyclistes aventuriers. Bonne chance avec le russe…

      Reply
    1. Stéphane Pageau Post author

      Je le fais même depuis mon 1er voyage en Europe, en 1998. Content de t’avoir donné l’idée; la prochaine fois, je vais peut-être même réussir à te donner le goût d’aller en Ouzbékistan… ha ha!

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