Samarcande: la mort, attraction principale

Shah-i-Zinda

La nécropole Shah-i-Zinda

Samarcande est l’une des villes les plus intéressantes que j’ai visitées. Sa longue histoire lui a conféré une indéniable majesté. J’ai été ébloui par les monuments célèbres de la ville. La place du Régistan devrait même être considérée comme l’une des merveilles du monde. Toutefois, si vous cherchez un endroit festif, passez Go, réclamez 200 $ et allez directement à Bangkok. Mais pour celles et ceux qui souhaitent découvrir une ville trempée dans une culture riche, nuancée, Samarcande devrait vous séduire. Je vous présente ici quelques-unes de ses principales attractions. À noter que les prix mentionnés ci-bas sont changés au taux officiel, soit environ 2600 soms pour 1 $ CAN. Ceci dit, dans les faits, le dollar canadien est aussi populaire en Ouzbékistan qu’une souffleuse dans le désert du Sahara. Le dollar US a la cote là-bas et le taux officiel est d’environ 3200 soms pour 1 $ US. Inutile donc d’y apporter des dollars canadiens, à moins que vous ne vouliez aider quelqu’un à compléter sa collection de monnaie du monde.

Mausolées

Le mausolée du conquérant Tamerlan (1336-1405) se nomme Gour Émir (« tombe de l’émir »). Son dôme impose le respect, avec ses 15 mètres de diamètre et ses 12,5 mètres de hauteur. Il se voit de loin, comme une enseigne de McDonald’s sur une autoroute nord-américaine, en pleine nuit. Le mausolée aurait servi de modèle pour de célèbres sépultures mogholes, comme le tombeau de Humayun à Delhi et le Taj Mahal à Agra. La complexe décoration intérieure crée une ambiance propice au recueillement. De plus, une section de l’édifice détaille les campagnes de Tamerlan, à la grande joie des amateurs d’histoire. Mais le plat de résistance sont les sept tombes du mausolée: celle de Tamerlan bien sûr, mais aussi celles de membres de sa famille (ses fils Shah Rukh et Miran Shah et son illustre petit-fils, l’astronome Ulugh Beg) et de proches (comme son maître spirituel, le cheik Mir-Said-Bereke). Les pierres tombales indiquent en fait l’emplacement des véritables tombes, situées dans une crypte fermée aux visiteurs.

Le Gour Emir

Le Gour Emir

En outre, deux jeunes pré-ados ouzbeks m’ont demandé – avec des gestes – s’ils pouvaient prendre des photos avec moi. J’ai accepté. Je leur ai demandé la même faveur. Ils ont accepté. On n’a jamais échangé nos noms. Ils resteront pour moi les « jeunes Ouzbeks du Gour Emir ». Séance photo mémorable. L’entrée du mausolée coûte 15 000 soms (environ 5,81 $ CAN), plus 5000 soms (environ 1,94 $ CAN) pour pouvoir prendre des photos.

L'intérieur du Gour Emir

L’intérieur du Gour Emir. La tombe noire est celle de Tamerlan.

Le site archéologique appelé Afrasiab s’étire sur une vaste colline dans le centre historique. La nécropole Shah-i-Zinda en constitue le joyau. L’intérêt du lieu? Des dizaines de mausolées et leurs extraordinaires motifs. Ces motifs varient en complexité et en couleurs (les bleus et les verts s’y déclinent en de nombreux tons), créant par le fait même des combinaisons fascinantes. Même Spock serait ému par tant de beauté. Dès l’entrée, d’orgueilleux dômes accueillent les foules. Puis, à partir du haut d’un premier escalier, la nécropole dévoile peu à peu sa splendeur. Les photographes s’en donneront à coeur joie là-bas. Un rapide coup d’oeil permet en outre de constater que les tombes remontent au XIVe siècle. Un cimetière plus « traditionnel » jouxte l’allée en « L » où les mausolées ont été érigés. Les stèles y sont moins flamboyantes, mais l’ensemble dégage tout de même une grande sérénité.

Shah-i-Zinda

Les dômes à l’entrée de Shah-i-Zinda

Lors de mon passage, des travaux de réfection battaient leur plein, de sorte que plusieurs mausolées étaient inaccessibles au public. Peu importe, Shah-i-Zinda est considérée – avec raison – comme un incontournable de Samarcande.

Shah-i-Zinda

C’est pas dégueulasse.

L’entrée coûte 9000 soms (environ 3,49 $ CAN) et il faut payer 5000 soms pour prendre des photos. De grâce, payez cet extra, votre popularité Facebook vous en remerciera. Il faut toutefois faire attention pour s’y rendre; il faut traverser une rue où la circulation est étonnamment dense pour une ville de plus de 2700 ans. La nécropole se trouve à quelques pas de la mosquée Bibi-Khanym et du mausolée du même nom. Aucune excuse donc pour ne pas y aller.

Shah-i-Zinda

Shah-i-Zinda

Le tombeau du prophète Daniel (« Doniyor », en ouzbek) rôtit au soleil un peu à l’extérieur du secteur touristique de Samarcande, sur l’Afrasiab. Il faut ainsi marcher environ 1,87 kilomètre sur la rue Toshkent pour s’y rendre, mais la promenade s’avère plutôt agréable. L’entrée attend à gauche, après une série de statues et le musée Afrasiab, mais juste avant le pont qui enjambe la rivière Syab. Ce qui frappe d’abord, c’est de constater que le tombeau mesure… 18 mètres de long. Diverses légendes entourent le tombeau et son véritable contenu: s’agit-il du corps de Daniel? D’un de ses bras? De la poussière prélevée dans sa tombe à Suse, en Iran? Aussi, la longueur du tombeau s’expliquerait par le fait que son contenu – quel qu’il soit – aurait poursuivi sa croissance au fil des siècles. Ce qui serait toutefois sûr, c’est que Tamerlan aurait rapatrié à Samarcande quelque chose lié à Daniel vers 1400, après une rude bataille à Suse. D’ailleurs, il semblerait que plusieurs villes ont, à un moment ou à un autre, revendiqué la possession du corps – ou d’une relique – de Daniel: l’ancienne Babylone, Mossoul, Kirkouk et Mouqdadiyah (Irak), Suse et Malamir (Iran) et Samarcande. Qui dit vrai? Qui peut savoir… par contre, il semblerait que, en 1912, les Russes occupèrent le Turkestan (région qui couvre une grande partie de l’Asie centrale) et ordonnèrent à la communauté musulmane locale de faire cesser la croissance du corps. Elle aurait réussi. Comment? Je n’en sais rien.

Le tombeau

Le fameux tombeau

Un cimetière a aussi été aménagé sur le site du tombeau. Certaines stèles portent même des inscriptions en français. Une promenade dans les sentiers du cimetière permet de jouir de belles vues sur les environs. En outre, une source d’eau sacrée coule depuis la colline vers la rivière Syab et passe par une structure ouverte où il est possible de la boire et d’y faire ses ablutions. L’entrée sur le site coûte 12 000 soms (environ 4,65 $ CAN), plus 5000 soms pour pouvoir prendre des photos.

En français...

Trace de français en Ouzbékistan…

Le mausolée de Bibi-Khanym a été construit vers 1397, en face de la mosquée du même nom. De l’extérieur, le mausolée paraît plutôt nu; seul son superbe dôme bleu attire l’attention. L’intérieur affiche cependant une décoration élaborée. On fait vite le tour de l’édifice, par contre. Quand j’y étais, des groupes d’écoliers ont envahi l’endroit, avec l’agitation que sous-tend une telle perspective. J’ai aussitôt fui. L’entrée coûte 12 000 soms plus 5000 soms pour les photos, si je ne m’abuse. Un prix assez élevé pour une visite de si courte durée, à vrai dire, mais bon, les amateurs d’histoire ne devraient pas gâcher leur plaisir pour un tel détail.

Mausolée Bibi Khanym

Mausolée de Bibi-Khanym

Le mausolée de Rubhokod, près du Gour Émir, faisait l’objet de travaux lors de mon passage, alors je n’ai pu y entrer. Mais on peut supposer à son aspect sobre qu’il a vécu plus de saisons que quantité de monuments de la ville.

Mausolée de Rukhobod

Mausolée de Rukhobod

Médersas

La sublime place du Régistan accueille trois médersas: Ulugh Beg, Tilla Kori et Cher-Dor. C’est l’une des réalisations humaines les plus incroyables que j’ai visitées dans ma vie. Elle mérite un billet complet. J’en parlerai donc plus tard.

Mosquées

La mosquée Bibi-Khanym, bien qu’elle côtoie la place du Régistan, n’a pas à rougir de la popularité de son illustre voisine: elle possède sa propre majesté. Ses dômes… ses dômes, je vous dis. Trop beaux pour être vrais. Un peu comme un Ewok. Épouse de Tamerlan, Bibi Khanym, de son vrai nom Saray Mulk Khanum, était une princesse mongole, fille du khan djaghataïde Qazan. Elle aurait voulu faire construire cette mosquée pour honorer son époux. Dans un revirement de situation digne de Top Modèles, l’architecte responsable du projet serait tombé amoureux de celle-ci et, pour tenter de la séduire, il aurait repoussé la fin des travaux. Afin que ceux-ci soient terminés à temps pour le retour de campagne militaire de Tamerlan, elle aurait consenti – à reculons – à recevoir un baiser de l’architecte. Tamerlan aurait, à son retour, découvert une trace de ce baiser sur la joue de son épouse. Il aurait alors exécuté l’architecte puis décrété que toutes les femmes devaient porter des voiles pour ne pas attiser le désir des hommes.

Entrée de la mosquée Bibi Khanym

Entrée de la mosquée Bibi Khanym

Construite sur une période de cinq ans, à partir de 1399, la mosquée fait hélas son âge: plusieurs de ces éléments sont décrépits, une situation qui altère sa majesté. Des travaux de réfection étaient en cours lors de mon passage, donc l’espoir que la mosquée retrouve un jour sa splendeur d’antan demeure vivant. N’empêche, le charme opère. Surtout grâce aux dômes, ces deux saints seins qui s’élancent vers le ciel.

Côté droit de l'entrée de la mosquée Bibi Khanym

Côté droit de l’entrée de la mosquée Bibi-Khanym

Des Ouzbeks m’ont demandé s’ils pouvaient prendre des photos avec moi. J’ai accepté. Comme toujours. C’est mon côté vedette, je suis un peu le Justin Trudeau de la blogosphère de voyage.

Dôme dans la cour intérieure de la mosquée Bibi Khanym

Dôme dans la cour intérieure de la mosquée Bibi-Khanym

De mémoire, je dirais que l’entrée coûte 12 000 soms. C’est étrange, je ne retrouve plus toutes les notes de mon séjour à Samarcande. Ce que j’ai fait avec elles, je ne saurais dire. Je n’en retrouve que des bribes. Je ferais un bien mauvais journaliste.

Autre dôme dans la cour intérieure de la mosquée Bibi Khanym

Autre dôme dans la cour intérieure de la mosquée Bibi-Khanym

La mosquée Hazrat-Hizr domine l’Afrasiab, du fait qu’elle soit perchée sur un des points les plus élevés de la colline. Elle diffère toutefois des autres mosquées que j’ai vues en Ouzbékistan, ne serait-ce que pour la prédominance d’autres couleurs que le bleu dans ses diverses parties. En outre, j’ai assisté à une cérémonie funéraire à cette mosquée. Malgré moi. J’y reviendrai dans un billet ultérieur, car ce fut une expérience mémorable. Même si la mosquée n’a pas le faste de Bibi-Khanym, elle n’en demeure pas moins intéressante. De sa terrasse surélevée, on peut apprécier Samarcande.

Mosquée Hazrat-Hizr

Mosquée Hazrat-Hizr

Deux petites mosquées, Koroboy-Oksokol et Mubarak, se cachent au détour des ruelles discrètes du quartier autour de l’auberge Furkat. Elles ne se comparent en rien à Bibi-Khanym, mais on sent que ces mosquées plus modestes occupent une place importante dans le quotidien des habitant-es du coin. Je ne pourrais fournir les indications exactes pour s’y rendre, mais elles ressemblent à ceci: en sortant de l’auberge, il faut tourner à droite, puis à gauche, passer deux ruelles, tourner à gauche, passer un coin de rue, puis tourner à gauche pour Koroboy-Oksokol ou à droite pour Mubarak. C’est un peu comme le code Konami, mais en version ouzbèque.

Mosquée ***

Mosquée Koroboy-Oksokol

Parcs

Un verdoyant parc traversé par la rivière Syab s’étend devant l’entrée du tombeau de Daniel. Étonnant de voir autant de vert dans cette partie plus aride de la ville. C’est comme un chauve qui porte un « gasket », à la « Stone Cold » Steve Austin. Bref. Un endroit apaisant, idéal pour une pause. Et, après la marche pour se rendre au tombeau, surtout si le mercure a cuit la route, cette pause sera des plus bienvenues.

Parc **

Le parc et la rivière Syab. L’entrée du tombeau se trouve à la gauche de la photo.

La place du Régistan est bordée par des parcs à l’ouest et à l’est. Des fontaines ont été aménagées du côté ouest, alors qu’à l’est, des statues de lion avachis surveillent les passants. Sans surprise, les fontaines attirent les couples en quête d’un spot pour se minoucher. Comme dans bien des parcs du monde, finalement. Pour les solitaires, ces parcs constituent de bons endroits pour flâner, écrire dans un journal de voyage, écouter le dernier album de Ulcerate ou grignoter un délicieux pain de Samarcande.

Des amoureux dans le parc à côté de la place du Régistan

Des amoureux dans le parc à côté de la place du Régistan

Autres

L’allée piétonnière/rue Toshkent entre la place du Régistan et l’observatoire Ulugh Bek constitue l’une des principales voies pour explorer nombre des principales attractions de Samarcande, car elle relie plusieurs secteurs de la ville. Je n’ai cependant pas visité l’observatoire (situé non loin du tombeau de l’apôtre Daniel), car la journée était déjà avancée quand je me suis aventuré dans le coin. Je voulais absolument voir Shah-i-Zinda et le Gour Emir, alors j’ai dû faire des choix difficiles. Il paraît que l’observatoire vaut le détour, en particulier pour les nerds qui aiment la science. Mais bon, une promenade s’impose malgré tout, histoire de voir la mosquée Hazrat-Hizr, le Musée Afrasiab, le tombeau et les paysages dignes du Nouveau-Mexique.

Où veux-tu aller?

Où veux-tu aller?

Des statues de chameaux et de caravaniers se dressent ainsi sur le chemin vers le tombeau de Daniel. Pendant 1,23 seconde, je me suis senti sur la Route de la soie. Leur présence détonne, dans cette région plutôt désertique. Si j’avais été avec quelqu’un, j’en aurais profité pour faire une séance de photos comiques (lire: inappropriées). Le potentiel était là.

Des statues sur Toshkent

Des statues sur Toshkent

Un cimetière juif couvre une partie de l’Afrasiab. J’ai eu l’impression qu’il était fermé au public, même si quelques-unes de ses entrées étaient déverrouillées. Des équipes d’entretien circulaient dans les allées. J’ai peut-être commis un impair en m’y glissant, mais personne ne m’a grondé. J’ai donc pris des photos. Ce qui était peut-être un autre impair. Mais personne ne m’a grondé non plus.

Cimetière juif

Cimetière juif d’Afrasiab

Un quartier résidentiel vit derrière les édifices faisant face à la place du Régistan. Ainsi, à l’abri des glorieux monuments de Samarcande, un banal terrain de soccer a été aménagé. D’aucuns déplorent que de tels quartiers soient en quelque sorte cachés au public, que cette situation soit en fait désirée par les autorités (afin de camoufler le côté moins glamour de la ville), mais il m’a semblé possible de les visiter. Il faut prendre le temps de flâner, de chercher les points d’entrée. Blocs de style soviétique, enfants qui jouent dans la rue, vêtements accrochés à une corde sur un petit balcon, bref, la vie quotidienne en action. J’ai vu un autre visage de Samarcand et j’ai aimé.

Terrain de soccer

Le terrain de soccer

Une statue de Tamerlan veille sur la circulation, à la jonction de la vieille ville et de la nouvelle ville. Ce doit être moins excitant que de veiller sur des milliers de soldats prêts à prendre une ville assiégée avec la férocité d’une horde de gorilles furieux. Cette statue montre un côté plus posé de Tamerlan, alors que sa statue équestre de Tachkent dévoile un côté plus guerrier. J’ai déjà publié une photo de cette statue dans mon billet précédent, alors je vous invite à le relire.

Prochain billet: la place du Régistan, un de mes lieux préférés au monde.

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