Un imposteur à Samarcande

      6 commentaires sur Un imposteur à Samarcande
Mosquée Hazrat-Hizr

Mosquée Hazrat-Hizr

Je vous avais dit que j’avais terminé ma série de billets sur l’Ouzbékistan… eh bien, pas tout à fait. Très vite après la fin de ces publications, j’ai éprouvé le besoin de raconter une expérience particulière que j’ai vécue là-bas. Ce billet est donc comme Lick Doo, la chanson cachée à la fin du chef-d’oeuvre stoner rock Welcome to Sky Valley (1994) de Kyuss: un extra.

Un tour à la mosquée

Alors voilà. J’étais à Samarcande, le 24 octobre 2016, et je tenais à découvrir un maximum d’attractions durant mon trop bref séjour dans cette ville. Dans cet état d’esprit, je me suis rendu à la mosquée Hazrat-Hizr, sur la rue Toshkent. Une fois dans les marches menant à la cour, j’ai constaté qu’une foule se dépêchait d’y accéder. On était un lundi, pourtant, alors je me demandais ce qui pouvait bien motiver ces quidams.

Autre angle...

La mosquée, sous un autre angle…

Je me suis ainsi retrouvé dans une cérémonie funéraire. Malgré moi. Moi, le catholique pas pratiquant. La dépouille se trouvait au centre de la cour, recouverte par un linceul et entourée de fleurs. J’ai essayé de me fondre dans la foule, en essayant de ne pas provoquer d’impair. Bon, avec mes longs cheveux bruns, je pouvais difficilement passer inaperçu, mais ma présence n’a pas semblé déranger qui que ce soit. On m’a même invité à m’asseoir sur une des chaises installées autour du corps. J’ai préféré rester à l’écart, derrière les rangées de chaises, pendant que la cour finissait de se remplir. Puis, un imam a ouvert la cérémonie. Une succession de chants et de prières ont suivi. Je me suis recueilli, en même temps que tout le monde, mais, comme je ne connaissais pas les mots, je ne pouvais faire du lip sync crédible, façon Milli Vanilli. Je crois tout de même avoir réussi à respecter le décorum.

Un autre...

Et un autre…

Je ne peux en dire autant de cette femme âgée, visiblement ouzbèque, qui a jugé pertinent de se prendre en « selfie » devant la dépouille. Un gardien a aussitôt été l’aviser du caractère inapproprié d’un tel geste. L’assistance a encaissé la scène avec une retenue palpable. Et moi qui croyais que les jeunes coqs en camisole « Tubing in Vang Vieng » détenaient le monopole du mépris des règles élémentaires de la bienséance…

Pas de photos, mais…

De côté...

De côté, de loin…

Environ 13 minutes et 28 secondes plus tard, la cérémonie était terminée. La foule a commencé à quitter, en silence, par une sortie située à l’opposé de l’entrée. Un escalier plus tard, je déambulais dans les rues avoisinantes. Je tentais alors de mesurer la portée de cette expérience. Même aujourd’hui, environ six mois plus tard, je ne suis pas certain de la saisir. Tout s’est déroulé si vite. J’ai navigué à travers l’instant et j’en ai absorbé l’intensité. Je peux toutefois affirmer que, considérant mon peu d’intérêt pour la pratique religieuse, je me suis senti comme un imposteur. En même temps, je me suis senti privilégié d’être accepté par les gens dans une situation aussi délicate. Enfin. Je n’ai pas pris de photo, car je sentais que j’aurais heurté des sentiments. J’ai eu raison, parce que si un simple « selfie » a généré une telle commotion, je peux imaginer ce qu’un étranger en train de croquer une scène aussi intime aurait pu provoquer comme scandale. Je ne voulais pas manquer de respect. De toute façon, les images resteront gravées en moi. Et c’est parfait ainsi.

6 thoughts on “Un imposteur à Samarcande

  1. Laurent

    C’est vrai qu’on ne sait pas trop quoi faire dans ces situations. Est-ce acceptable suivant la culture que l’on côtoie d’assister à un enterrement en tant que touriste. On ne serait pas forcément ravi de voir des touristes à l’enterrement d’un de ses proches. Il m’est arrivé la même chose en Inde il y a longtemps. Je me suis retrouvé dans un cortège avec en tête un corps que l’on portait vers le lieu de crémation. Voyant sans doute mon intérêt, une personne dans le cortège m’avait signer de marcher avec eux. Comme toi, je me suis ensuite recueilli (même si la tristesse n’est pas vraiment le maître mot durant des funérailles en Inde) et n’ai évidemment pas pris de photos.

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    1. Stéphane Pageau Post author

      Pas évident, en effet. J’essaie autant que possible d’éviter de me retrouver dans de telles situations, mais si m’arrive, comme dans ce cas, je tente alors de faire preuve de sensibilité. Je ne vois pas vraiment d’autres façons de gérer ça. On se comprend là-dessus… merci Laurent!

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  2. Charly

    De quoi mettre plutôt mal à l’aise. Et je comprends que tu as du te sentir comme un imposteur… C’est sur que prendre des photos aurait été malvenu. Dans ces moments là, le plus important est de rester respectueux.

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