Une journée dans la vallée de Viñales

Vallée de Vinales

Dans mes quatorze minutes de recherches sur les attraits de Cuba, j’ai vu le nom de Viñales revenir aussi souvent que Ric Flair dans un ring malgré sa « retraite », après un match classique avec Shawn Michaels, au gala Wrestlemania XXIV. On vantait sa beauté (de Viñales, bien sûr; Ric n’est pas trop mon genre, avec sa chevelure surperoxydée), on comparait la physionomie de la région à celle de plusieurs lieux d’Asie du Sud-Est, on soulignait le plaisir d’y faire de la randonnée, à pied comme à cheval. J’ai par conséquent décidé d’y aller. Je n’y ai passé que 2 jours, les 16 et 17 juin 2017, mais j’y ai néanmoins vécu de beaux moments. Et j’ai effectué une randonnée. À cheval. Une première en presque dix ans, pour moi.

Improvisation

Je n’avais pas réservé de casa avant mon arrivée. Or on m’a assailli à ma descente du bus. Je me sentais comme un membre de Nickelback arrivant dans la ville de son prochain concert. J’avais l’embarras du choix, tous les rabatteurs me proposaient le paradis. Les avantages de voyager en basse saison. J’ai écouté mon instinct et je ne l’ai pas regretté. J’y reviendrai. Le premier jour, je me suis surtout promené dans la ville, j’ai récolté des informations en vue d’une randonnée. On m’a affirmé qu’une virée en équitation revenait à 5 CUC de l’heure (environ 6,22 $ CAN). J’ai hésité. J’essaie d’être plus sensible aux questions impliquant des animaux, en voyage. Déjà que je ne suis pas toujours adéquat, dans mes actions, je pourrais faire plus d’efforts pour ne pas causer plus de mal aux animaux que je n’en cause déjà. Enfin. Ce sujet pourrait remplir des blogues entiers, mais disons simplement que l’idée de faire du cheval me plaisait moins, maintenant que cette possibilité devenait réelle.

Les chevaux sont prêts…

Je comprends que, dans certaines régions du monde, le cheval occupe encore une place majeure dans l’organisation sociale, dans la vie quotidienne, mais je viens d’un pays où cette situation appartient à une autre époque. Par exemple, mes grands-parents ont contribué, dans les années 1930, à défricher un coin du Québec, le long de la frontière américaine, en Estrie, alors je subodore l’importance que les chevaux devaient avoir dans leurs vies. Je peux aussi imaginer la vie rude de jadis, l’apport essentiel des animaux à la survie des humains, surtout durant les hivers rigoureux du Québec. Saint-Mathias-de-Bonneterre n’a peut-être pas la notoriété de l’Abitibi, au plan historique, mais quand on se rend en Estrie aujourd’hui, on y perçoit une forme de ruralité toujours bien présente.

Bucolique Saint-Mathias-de-Bonneterre.

À Cuba, j’ai senti que le cheval jouissait toujours d’une place non négligeable dans la vie quotidienne. Moins à La Havane, certes, mais dans les régions plus rurales, dans les plus petites villes, c’était évident. Viñales n’échappait pas à cette réalité. Des cowboys, des vrais, circulaient dans les rues. Une vie sur la selle, avec un chapeau fièrement vissé sur la tête. Bref, entre deux mojitos, je réfléchissais aux pour et aux contre de l’équitation.

Merci, mojito.

Résultat de cet effort, j’ai décidé de tenter l’expérience. J’ai ainsi « booké » une randonnée à ma casa (la Casa Lozano Flora y Lorenzo), à 25 CUC (environ 31,11 $ CAN) pour une demi-journée, de 9 h à 13 h. Un peu plus cher que ce que j’aurais payé si je l’avais réservée moi-même, mais je me suis dit que ces 5 CUC supplémentaires iraient dans les poches de gens qui en ont plus besoin que moi. Par ailleurs, il s’avère judicieux de se renseigner sur la météo, car, selon la saison, il peut pleuvoir l’après-midi.

En route

Le 17, à 9 h pile poil, j’étais prêt. Mon cowboy était là lui aussi, ponctuel. Un vrai. Un tough. Après une présentation en bonne et due forme, on a marché vers l’endroit où attendaient les chevaux. Il m’a présenté à ma monture. J’ai oublié son nom depuis. Manque de connexion, je dirais. On est partis, au rythme tranquille des chevaux. On n’a pas beaucoup parlé, par la suite. On ne parlera pas beaucoup non plus. Un homme peu loquace, mon cowboy. Il me donnait parfois des explications sur les cultures de la vallée, sur les sols, les techniques agricoles, mais toujours avec un minimum de mots. Ça m’arrangeait, dans le fond. Je pouvais ainsi mieux me concentrer sur ma propre expérience.

Et c’est parti…

Il ne m’a pas fallu longtemps pour apprécier les paysages de la vallée. Les « mogotes », des formations rocheuses karstiques comme on en retrouve effectivement dans certains coins d’Asie du Sud-Est (par exemple, Vang Vieng, au Laos), dominent l’horizon. L’impression d’immensité, combinée au calme des lieux, calme brisé seulement par des sons d’animaux ou d’insectes, a un je-ne-sais-quoi de relaxant. J’ai décroché, j’ai même arrêté de penser à des trucs comme « pourquoi Celtic Frost a jugé pertinent de lancer une abomination comme Cold Lake? » ou « pourquoi Sean Connery a accepté de tourner un navet comme Never Say Never Again, alors qu’il n’avait clairement plus le profil pour incarner James Bond? ». Les grandes questions de la vie, quoi.

On est loin de La Havane, ici.

De nombreuses flaques d’eau boueuse parsemaient le chemin. Le cheval, vaillant, les franchissait avec obstination, provoquant par le fait même de généreuses éclaboussures. Il importe donc de prévoir des vêtements et souliers « salissables ». De même qu’un chapeau, des lunettes de soleil, de la crème solaire, de l’eau et de l’argent, pour acheter nourritures, jus ou autres.

Premier arrêt

Le séchoir

Notre premier arrêt fut dans un poste de séchage de feuilles de tabac. Les feuilles étaient empilées de façon plus ou moins compacte les unes sur les autres. Le plus frappant, dans ce poste? L’odeur. Elle m’a rappelé mon enfance à Lennoxville; ma famille y possédait une ferme et, dans la grange, une salle servait à l’entreposage du foin destiné à nourrir nos moutons. Quand la salle était pleine de foin, l’odeur devenait puissante, piquante. Après avoir gavé mes poumons de ce parfum, j’aimais grimper le plus haut possible dans l’échelle instable accrochée au mur de la grange, afin de sauter dans les montagnes de foin. À cette époque, j’avais les cheveux de la même couleur que le précieux fourrage, je pouvais m’y perdre avec une joie toute enfantine. Aujourd’hui, je suis brun: yeux, cheveux, poils de torse (bon, grisonnants par endroits, je l’avoue). Ahem. Je n’ai pas sauté dans les amas de tabac, mais l’impression de déjà-vu m’a marqué.

Le tabac, en train de sécher…

Deuxième arrêt

On a ensuite été dans une cabane où acheter des cigares. Le moment fort de ma randonnée, le but de ma visite. Pour me convaincre de la qualité de ses cigares, le producteur m’en a offert un qu’il venait de rouler lui-même, avec toute l’aisance d’un Snoop Dogg qui roulerait un gros pétard. Je ne fume pas la cigarette, mais je sais apprécier un cigare. Au moins, il goûte quelque chose, lui. J’ai demandé à une voyageuse de me prendre en photo, en train de fumer, histoire de décevoir ma mère. Ladite voyageuse a trouvé le moyen de rater la photo.

La fumée ou l’incompétence? Votre interprétation de ce ratage est aussi bonne que la mienne.

J’ai discuté prix avec le producteur. Il m’a offert des paquets de 20, 30 ou 40 cigares, à 3 CUC chacun (environ 3,73 $ CAN). J’en ai achetés le minimum: 20 pour 60 CUC, soit environ 74,67 $ CAN. Je n’en voulais pas tant, au départ, mais s’ils sont bien entreposés, ils peuvent se conserver jusqu’à quatre ans. Ça devrait aller. De toute manière, je trouverai sans problème des ami-es pour partager ce vice. J’ai payé mon achat à la gérante de ma casa. Tout le monde semble se connaître, ici, alors les échanges se font à l’aide d’intermédiaires. Tous les maillons de cette chaîne doivent s’en prendre un pourcentage. Et pourquoi pas? Si le tourisme peut aider les populations locales, alors qu’elles le prennent, mon argent.

Troisième arrêt

On s’est ensuite rendus à une grotte, appelée « Cueva del palmarito » (si je ne m’abuse). Perché sur ma monture, j’ai fumé un cigare en chemin, parce que: 1) il était déjà allumé; 2) je n’aime pas le gaspillage; 3) j’aime le goût de plus en plus fort d’un cigare, au fur et à mesure qu’il se consume. L’intérêt de la grotte? Un bassin d’eau fraîche. Noirceur totale dès les premiers mètres. Une lampe constitue alors une amie essentielle. En outre, le sol devient glissant par endroit. La baignade fut brève, mais ô combien délicieuse. Par contre, remettre des vêtements souillés de sueur après une baignade, c’est moins agréable.

Entrée de la « Cueva del palmirito »

Quatrième arrêt

Le dernier arrêt fut à un restaurant/atelier/aire de production. Des produits y sont en vente. Quelques exemples de prix: une bouteille de café cubain pour 10 CUC (environ 12,44 $ CAN); une bouteille de rhum d’agave pour 10 CUC. On m’y a aussi expliqué le processus de la culture du café. Je le connaissais déjà, mais c’était sympathique de renouer avec le sujet, après tant d’années. J’ai vidé une limonade à 1,50 CUC (environ 1,87 $ CAN), tout en profitant de la vue remarquable. Chapeau aux personnes qui ont choisi cet emplacement, excellente décision.

Vue depuis le restaurant.

Je suis revenu vers 13 h, tel que prévu. J’ai remercié mon guide, avant de marcher jusqu’à ma chambre, les jambes encore engourdies de leur écartement prolongé. J’ai alors tout payé à la gérante de ma casa.

J’ai ensuite pris une douche bien méritée et je me suis assoupi sur mon lit moelleux, pendant que l’averse rasait la ville avec ses lames liquides.

En conclusion

Je ne crois pas que je referai de l’équitation. D’abord, parce que je ne me sentais pas toujours confortable sur ma monture. Faut croire que j’aime avoir les pieds au sol. Puis, l’aspect « se divertir avec des animaux » m’a rendu mal à l’aise. Malgré mon ouverture à comprendre l’importance des animaux dans la vie des gens à travers le monde, je constate que j’ai cheminé depuis quelques années, sur ces questions. Je suis de plus en plus conscient des conséquences de mes gestes, alors, autant que possible, j’essaie de prendre des décisions plus éclairées. Enfin. Je suis tout de même heureux d’avoir vu la vallée de Viñales. Je recommande cette visite, mais une réflexion préalable devrait s’imposer sur la meilleure manière de l’effectuer.

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