13 questions sérieuses à Vanessa

Bon, Vanessa n’est pas sur la photo, car c’est elle qui l’a prise. Mais c’est une très belle photo, prise à Cinco Pinos, Nicaragua, sur la frontiere avec Honduras. (crédit photo: Vanessa Gordon)

En mars dernier, j’avais publié une entrevue avec Delphine Melanson sur la coopération internationale, du point de vue d’une participante (partie 1; partie 2). Ce mois-ci, je vous propose une entrevue sur le même sujet, mais du point de vue d’une personne ayant travaillé quelques années pour un organisme de coopération internationale. Chaque entrevue présente ainsi une facette de cet univers beaucoup plus complexe qu’on peut imaginer. Je vous invite donc à lire les réflexions de Vanessa Gordon, qui a travaillé six ans au sein de l’organisme Alternatives et qui enseigne maintenant dans le cadre du profil d’études Nord-Sud du Collège Dawson. Note importante: Vanessa a répondu aux questions en anglais, langue avec laquelle elle est plus confortable. J’ai par conséquent traduit ses réponses au meilleur de mes capacités.

Quels sont les bons côtés de la coopération internationale?

Apprendre des gens, responsabiliser et se responsabiliser, partager.

Quels en sont les moins bons côtés?

Le cynisme de certain-es participant-es, le choc culturel, le néo-impérialisme déguisé.

Pourquoi faire un stage de coopération internationale?

Il y a beaucoup de bonnes raisons personnelles de faire un stage de coopération internationale: plusieurs participant-es ont besoin de sortir de leur environnement habituel, de voir quelque chose de nouveau afin de remettre leurs pensées en perspective. Apprendre sur la vie des autres élargit aussi l’imagination, ça encourage la créativité et promeut la tolérance (dans la plupart des cas).

Les partenaires des pays d’accueil reçoivent quant à eux des ressources nécessaires et une chance de partager leur vie avec des gens qu’ils ne rencontreraient pas autrement. Je pense que pour ces partenaires, la situation est parfois plus compliquée [que celle des stagiaires]. Pour les [partenaires] plus marginalisés, c’est comme qu’ils recevaient des gens tout droit sortis de leurs “soap operas”. J’imagine que c’est comme si Paris Hilton débarquait dans notre salon.

Comment se déroule le processus de sélection des candidat-es à un tel stage?

Chaque organisme de coopération internationale a ses propres critères de sélection des candidat-es: ça dépend vraiment [de l’organisme]. De façon générale, les organismes recherchent des candidat-es possédant le profil recherché par les partenaires: est-ce que le ou la candidat-e parle la langue du pays d’accueil? Est-ce que le ou la candidat-e possède les compétences recherchées par le partenaire?

Plusieurs organismes vont aussi chercher des signes prouvant que le ou la candidat-e sera capable de s’adapter assez rapidement à son pays d’accueil: est-ce que le ou la candidat-e a déjà fait du travail semblable auparavant dans son pays d’origine? Est-ce que le ou la candidat-e s’est impliqué-e auprès de communautés similaires (par exemple, travail dans des ONG [organisations non gouvernementales] connexes, travail bénévole de même nature)? Est-ce que le ou la candidat-e a déjà été dans un pays pauvre?

Aussi, un organisme va regarder si le ou la candidat-e possède des compétences générales nécessaires à un stage réussi dans le pays d’accueil: est-ce que le ou la candidat-e est à l’aise en public? Est-ce que le ou la candidat-e démontre des aptitudes en matière de leadership? Une capacité à travailler de façon autonome, avec peu de supervision? Une capacité de sortir des sentiers battus? Une capacité à travailler en harmonie avec les autres?

Enfin, certains organismes ont des philosophies et des cultures de travail mieux définies que celles d’autres [organismes]. Surtout ceux qui ont déjà des projets en cours à l’étranger; ils comprennent que leurs partenaires seront principalement en contact avec eux par le biais des stagiaires, et que les relations avec ces stagiaires peuvent autant aider un partenariat à croître que le ruiner. Par conséquent, le ou la stagiaire doit montrer la capacité et la volonté de bien représenter l’organisme qui l’a envoyé à l’étranger. La compréhension de la mission et des valeurs de l’organisme devient un avantage clé.

Quelle est la partie la plus agréable du processus de sélection?

Rencontrer une grande variété de personnes intéressantes est incontestablement la meilleure partie du processus de sélection. Annoncer à une personne qu’elle a été choisie pour un stage est aussi très agréable.

Quelle est la partie la plus difficile de ce processus?

Contactez les personnes pour leur dire qu’elles n’ont pas été choisies pour un stage est difficile.

Quel profil devrait avoir une personne qui souhaite effectuer un stage de coopération internationale?

Ça dépend vraiment des besoins de l’organisme d’accueil. Lire la réponse sur le processus de sélection pour plus de détails.

Quelle est ton expérience en matière de coopération internationale?

C’est toute une question! Je dirais que j’ai commencé assez tôt à m’impliquer dans des projets communautaires qui allaient être utiles pour le travail à l’étranger. Au cégep, j’ai travaillé au Centre d’alphabétisation. J’ai aussi effectué des études Nord-Sud [North-South Studies] et, à travers ce programme, j’ai été au Nicaragua. Étrangement, j’ai aussi été élue secrétaire, puis présidente d’un groupe appelé “Central American Student Effort”, même si je ne viens pas d’Amérique centrale. Durant mes études de premier cycle, je suis retourné au Nicaragua de façon autonome afin de travailler dans un centre communautaire que j’avais précédemment visité et j’ai aussi effectué un stage en Bolivie avec le CECI (Centre d’étude et de coopération internationale).

Puis, j’ai travaillé sur un projet du Quebec Public Interest Research Group, projet qui visait à amener les réfugiés tibétains du Ladakh, en Inde, à Montréal (ça n’a pas marché). Ensuite, j’ai oeuvré au sein du Canadian Human Rights Foundation (aujourd’hui connu sous le nom d’Equitas). On recevait des activistes des droits humains de partout sur la planète afin qu’ils puissent suivre une formation sur les façons de défendre efficacement les droits humains dans leur pays d’origine. Par après, j’ai déménagé à Belfast, en Irlande du Nord, pour compléter ma maîtrise. J’ai aussi occupé plusieurs emplois dans la ville même durant le conflit [entre catholiques et protestants], ce qui a été une expérience de coopération internationale en soi.

J’ai par la suite travaillé au Centre pour le maintien de la paix Pearson, j’accueillais des Casques bleus de partout dans le monde, afin qu’ils puissent recevoir des formations de pacification. Ensuite, j’ai travaillé avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies à Santiago, au Chili, et j’ai ensuite travaillé pour le Centre international pour la prévention de la criminalité (situé à Montréal).

Puis, j’ai fait de la gestion de stages au sein de l’organisme Alternatives, après quoi j’ai supervisé des stagiaires à la Hao Ran Foundation à Taiwan, et maintenant, j’enseigne au cégep. Je m’occupe d’envoyer des élèves travailler au Nicaragua, dans le cadre des exigences du programme d’études Nord-Sud [du Collège Dawson]. Voilà la version courte, et j’ai sans doute oublié quelques trucs :)

Comment en es-tu venue à travailler pour un organisme de coopération internationale?

Je dirais que ce fut une progression naturelle: mon père est Britannique et ma mère est Brésilienne. Durant mon enfance, il n’y avait pas beaucoup de Brésiliens à Montréal, mais il y avait beaucoup de Chiliens, beaucoup de réfugiés du régime Pinochet. Quand j’ai commencé le cégep, j’ai naturellement sympathisé avec les Chiliens et autres Latino-Américains, au point où, comme je l’ai mentionné plus tôt, j’ai été élue à titre d’une de leurs représentantes étudiantes. Ensuite, je suppose que simplement vivre et travailler avec des Chiliens, sur toutes sortes de choses à Montréal, m’a mené sur le chemin de la coopération internationale, ce qui semblait la chose la plus évidente pour moi.

Avoir déjà participé à – au moins – une expérience de coopération internationale est-il un prérequis pour travailler dans un organisme oeuvrant dans ce domaine?

Je dirais que oui. Je suppose qu’un organisme pourrait t’embaucher et t’envoyer outremer pour voir comment ça fonctionne, mais la plupart des organismes ne feraient pas quelque chose comme cela. Je pense que les gens qui réussissent le mieux dans ce domaine sont ceux qui ont déjà réussi à briser la dichotomie international/national au point où ils se sentent à la maison autant ailleurs [que dans leur pays d’origine]. C’est la différence entre travailler pour le service diplomatique et travailler en développement à l’étranger: dans le travail pour le service diplomatique, l’accent est surtout mis sur le fait de représenter ton pays d’origine de façon adéquate. Tu dois représenter les valeurs de ton pays, au-dessus de tout, toujours. Tu travailles au nom de ton pays d’origine. Je trouve que les bons travailleurs en développement international sont ceux qui n’ont pas d’attachement particulier à la culture et aux valeurs de leur pays d’origine – ils en ont un parfois, mais pas nécessairement. Ils sont plus enclins à “devenir des locaux” dans leur pays d’adoption et je crois que c’est une bonne chose.

Qu’est-ce que ton expérience de travail au sein d’un organisme de coopération internationale t’a apporté, au plan professionnel?

Je ne sais pas certaine. Je pense que, en tant que personne, je suis plus complexe et j’aime ça. Professionnellement, je présume que, d’un côté, travailler en coopération internationale m’a rendu plus flexible pour n’importe quel environnement de travail. D’un autre côté, à mesure que je vieillis, j’ai plus de difficulté à gérer l’anxiété et ce pourrait découler du stress que j’ai expérimenté lors de mes emplois précédents.

Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté, au plan personnel?

Ça revient à ce que je disais, à propos d’être complexe. J’ai vécu plusieurs styles de vie, maintenant, dans plusieurs langues différentes. J’aime comment je peux aller n’importe où, de Taipei à Managua à São Paulo, et sentir une familiarité dans ces lieux. J’ai une richesse de souvenirs: honnêtement, je me sens comme si je pouvais mourir demain en ayant la certitude que j’ai vécu une vie bien remplie. Je chéris l’habileté que je crois avoir de créer des liens profonds avec beaucoup de gens de toutes conditions sociales. La flore et la faune de mes pensées sont plus riches de cette complexité culturelle, et je m’aime davantage grâce à cela. Mon prochain projet est de trouver mon “zen”, par contre :)

Quels sont tes projets de voyage?

Je vais en Nouvelle-Écosse le mois prochain avec des ami-es, et en décembre, je vais au Brésil pour présenter mon fiancé à ma famille.

La suite de l’entrevue sera publiée ce jeudi.

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