Bilan: deux mois après le retour

Je n’avais pas écrit de bilan, un mois après mon retour. Je n’avais pas encore eu le temps de décanter tout ça et j’avais encore trop de choses à raconter sur mon voyage. Mais là, deux mois après mon retour, après avoir terminé de décrire mon tour du monde, j’ai pu prendre un peu de recul et tirer quelques conclusions de mon expérience. La structure de ce bilan sera un peu différente de celles de mes bilans précédents, car mon rythme de vie actuel ressemble bien peu à celui que j’avais sur la route. Je me concentrerai donc sur les leçons retenues, au lieu des évènements vécus.

Des leçons

D’abord, je n’ai pas senti de blues du retour. Je m’y étais pourtant préparé, dans la mesure où l’on peut se préparer à quelque chose qu’on ne peut vraiment prévoir. J’avais lu et entendu quantités d’histoires de voyageuses et voyageurs ayant connu une période d’adaptation difficile, à leur retour au bercail. Or, pour moi, tout s’est déroulé de façon fluide: j’ai revu famille et ami-es, j’ai recommencé à travailler quelques jours à peine après avoir posé le pied à Montréal, j’ai trouvé un appartement à Montréal deux jours après avoir commencé mes recherches. Bref, je n’ai pas senti de choc. Toutefois, j’ai remarqué l’apparition d’une tension nouvelle quand certains sujets, comme le dossier de la hausse des frais de scolarité, sont abordés, tant dans les médias que dans les conversations.

Montréal en automne

Donc, non, je n’ai pas vécu de blues du retour. Au contraire. Je me sens même en paix. Une paix comme j’en ai rarement connue. Le genre de paix que l’on ressent seulement quand on accomplit quelque chose de grand, quand on a été au bout d’un rêve immense. Plus je repense à mon état d’esprit d’avant départ, plus je réalise à quel point ce rêve de faire le tour du monde me hantait, à quel il me rendait fébrile, à quel point il m’obsédait. J’en étais dévoré. Jour et nuit. Cette fébrilité s’est transformée en fierté, en satisfaction, en maturité. Je savoure aujourd’hui les fruits de mon audace, je goûte au bonheur de percevoir les changements durables qui se sont opérés en moi.

Le rêve devient réalité

Je reviens également avec la certitude que je peux entreprendre avec succès des projets de plus en plus grands, de plus en plus complexes. Je gère beaucoup mieux le vertige qui accompagne la préparation et la réalisation d’une idée tentaculaire. Je rencontre parfois des gens qui me disent qu’ils n’auraient jamais été capables d’effectuer un tel voyage: une conviction défaitiste. Je pense que tout débute avec la volonté d’accomplir ses projets. Quand la volonté est là, ferme, ancrée, le reste, si compliqué soit-il, finit par suivre.

Aussi, plus que jamais, je sais que je peux m’adapter à toute situation. Cette leçon n’a pas de prix et elle peut m’aider autant dans ma vie personnelle que professionnelle. Oui, c’est normal d’avoir peur, de douter, quand on se retrouve en terrain inconnu. Les doutes constituent même de précieux alliés, car ils nous forcent à entrevoir l’ensemble des possibilités d’une nouvelle situation, nous poussant par le fait même à mieux se préparer à toute éventualité. Mais vient un moment où les doutes doivent être écartés pour laisser place à l’action. Il faut alors sauter dans le vide, même si on ne voit pas de filet. Il finit généralement par apparaître, de toute façon.

Bon, le filet peut ne pas apparaître, mais l’important c’est de faire le saut.

En outre, je me sens de moins en moins attaché aux objets. Voyager avec peu de choses m’a fait comprendre à quel point on s’encombre de toutes sortes de trucs plus ou moins utiles. Voyager léger est libérateur, car ça nous permet d’évaluer ce dont on a vraiment besoin pour vivre. On constate alors que le superflu occupe une grande place dans nos vies. Beaucoup de ces trucs visent à nous faciliter la vie, ce qui n’est pas mauvais en soi. Mais la facilité a des effets pervers, comme émousser la débrouillardise. Quand on possède peu de choses, on devient plus créatif avec ce que l’on a.

Une vie, deux sacs.

Enfin, je ne me tracasse plus autant avec les résultats de mes actions et interactions, j’ai de moins en moins d’attentes envers ce que je ne peux contrôler. Je fais ce que je crois juste en toutes circonstances et j’en assume les conséquences. Bien sûr, j’espère parfois certains résultats, mais s’ils ne se produisent pas, je tourne la page et je passe à autre chose. Je n’obtiens pas l’emploi voulu? J’en trouve un autre. Je réalise qu’une amitié tombe en ruines? Je la répare, si je juge qu’elle en vaut la peine, ou je coupe les ponts, si je découvre qu’elle m’est toxique. Peu importe ce qui arrive, je sais que des solutions existent, que j’ai toujours le choix et que, quoi qu’il arrive, la vie continue. Au lieu de perdre temps et énergie à lutter contre le courant, je nage avec lui. Mais à ma manière.

En conclusion

On sait toujours ce qu’on est, quand on part pour un long voyage, mais on ne peut deviner ce que l’on sera, à notre retour. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’adore voyager: cette certitude que l’on changera, que l’on grandira. C’est comme semer des graines dans un terreau fertile, sans savoir ce qui poussera. De belles surprises nous attendent, dans ces cas-là. Bien sûr, deux mois, c’est peu, pour tenter de mesurer l’ampleur des changements apportés par une aventure aussi marquante. Mais si je peux déjà constater les changements susmentionnés, je ne peux que me réjouir à l’idée que, au cours des prochains mois, je puiserai d’autres leçons des expériences vécues lors de mon tour du monde.

5 thoughts on “Bilan: deux mois après le retour

  1. Tiphanya

    J’ai toujours trouvé que le voyage, quelqu’il soit (mais voyage et non vacances), fait évoluer. Mais sur des courtes périodes, il est parfois difficile d’en saisir la portée, sauf quelques années plus tard. Pourtant cet été j’ai découvert les conséquences immédiates, en observant ma fille (de 9 mois lors du voyage) évoluer dans une vie japonaise. Incroyable !

    (et profite de l’automne à Montréal, la ville semble magnifique)

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    1. Stéphane Pageau Post author

      Et merci aussi pour tes bons mots. Oui, l’automne est une belle saison dans la jolie Montréal, mais là, l’hiver commence à s’installer tranquillement… profite bien de l’automne toi aussi.

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  2. Stéphane Pageau Post author

    Je suis d’accord avec toi, Tiphanya, voyager fait évoluer. Je crois aussi que la densité du voyage a plus d’importance que la durée de celui-ci. Mais dans tous les cas, l’évaluation de ce qu’on a vécu est un processus continu, qui commence dès le retour et qui, comme tu l’écris, peut prendre quelques années avant de livrer ses fruits. En ce sens, on pourrait dire qu’un voyage ne finit jamais vraiment. Et c’est très bien comme ça. Merci pour ton commentaire..

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