Jours pas si tranquilles à Tachkent

Bazar Chorsu

Bazar Chorsu

Dans la première partie de ce billet, j’ai brossé un portrait plus général de Tachkent. Maintenant, je vais me concentrer sur les activités et attractions de la capitale ouzbèque. J’y ai séjourné du 13 au 18 octobre 2016. Je n’avais pas beaucoup lu sur la ville avant mon arrivée et, par conséquent, je n’ai pas tout fait, pas tout vu. Pourtant, de prime abord, elle ne semble pas un haut lieu de stimulation touristique; or j’ai constaté que Tachkent possède assez de points d’intérêt pour bien remplir quelques journées.

Activités

Musées

Comme toute capitale qui se respecte, Tachkent compte son lot de musées. Et, comme son nom l’indique, le Musée d’État de l’Histoire ouzbèque porte non seulement sur l’histoire du pays, mais aussi du territoire. Il propose ainsi des outils en pierre datant de 1,5 million d’années (!), de même que des artefacts ayant appartenu aux divers peuples ayant marché sur ces terres. Le musée se rend jusqu’à la période actuelle, marquée par le règne du président Islam Karimov. Décédé le 2 septembre 2016, ce dernier gouvernait le pays depuis le 24 mars 1990, alors que l’Ouzbékistan faisait encore partie de l’U.R.S.S. Le pays a déclaré son indépendance le 31 août 1991, à la même époque que la plupart des anciennes républiques soviétiques. De l’extérieur, Karimov était perçu comme un dictateur, en raison de son terrible bilan en matière de respect des droits humains. J’ai toutefois parlé du règne karimovien avec un Ouzbek à mon auberge; il m’a affirmé que Karimov avait, malgré tout, effectué de bonnes choses pour le pays. Je ne sais trop quoi penser de cette opinion. Enfin. Artefacts de la vie quotidienne, pierres taillées, pièces de monnaie, sculptures guerrières, objets de propagande et autres bidules créent un parcours fascinant pour le visiteur. L’entrée coûte 10 000 soms (environ 4,22 $ CAN, au taux officiel) et il faut débourser 25 000 soms de plus (environ 10,56 $ CAN, aux taux officiel) pour prendre des photos. Une arnaque, mais bon. Un des musées historiques les plus intéressants que j’ai visités dans ma vie.

Outils de pierre au Musée d'État de l'histoire de l'Ouzbékistan

Outils de pierre au Musée d’État de l’histoire de l’Ouzbékistan

Le Musée des victimes de la répression était fermé quand je suis passé devant, mais l’édifice a de la gueule, avec ses deux superbes dômes bleu pâle. Il porte sur les victimes du communisme de l’ère soviétique, du stalinisme et même de la répression lancée par l’Empire russe dans les années 1860. D’aucuns pourraient croire que le rôle du musée consiste à véhiculer une propagande pro-Ouzbékistan, pro-Karimov (le musée a été fondé en 2002), mais il peut néanmoins être intéressant, ne serait-ce que pour connaître la perspective d’une ancienne république soviétique sur les relations complexes avec la Russie au fil des années. Situé dans le parc à côté de l’immanquable tour de radiotélévision (station Bodomzor, sur la ligne Yunusobod).

Musée des victimes de la répression

Musée des victimes de la répression

Le musée Amir Temur, ouvert en 1996, se trouve à proximité du square Amir Temur. Son architecture et son thème lui ont conféré une telle notoriété qu’il orne les billets de 1000 soms. Je n’ai pu y aller, il était lui aussi fermé lors de ma promenade dans le secteur. Je me dis que, parfois, je devrais davantage me renseigner sur les heures d’ouverture des lieux que je souhaite visiter. Donc… on y présenterait l’histoire d’Amir Temur (1336-1405), connu aussi sous le nom de Tamerlan, le féroce conquérant qui a déferlé sur l’Eurasie avec ses hordes de guerriers. Selon Wikipedia, « […] les estimations sur le nombre de morts de ses campagnes militaires vont de 1 million à 17 millions de personnes (soit environ 5 % de la population mondiale de l’époque) ». Toutefois, Tamerlan épargnait les artisans et les envoyait à Samarcande, sa capitale, pour l’enjoliver. Et les résultats sont époustouflants. Tamerlan: brute sanguinaire ou brasseur culturel? La vérité se situe sans doute à quelque part entre ces deux perceptions.

Le Musée Amir Timur

Le Musée Amir Temur

Parcs et places publiques

Côté parcs, la place de l’Indépendance est le coeur de Tachkent. Il regroupe nombre de ses principaux monuments, comme la statue de la Mère-Patrie, « L’Allée de la mémoire » (les listes des noms des soldats morts durant la 2e Guerre mondiale), la statue de la « Mère en deuil » et la flamme éternelle. Un endroit touchant, à vrai dire; c’était la 1ere fois que je découvrais en personne une vision « soviético-ouzbèque » de la 2e Guerre mondiale. J’ai l’impression qu’on oublie souvent le rôle joué par l’U.R.S.S. dans ce conflit et le lourd prix payé par l’Union pour le résoudre: selon Wikipedia, les pertes soviétiques, militaires et civiles, s’élèveraient à 23,4 millions de personnes (soit 13,9 % de la population de 1939), dont 550 000 en Ouzbékistan seulement (soit 8,4 % de la population de 1939). Un carnage.

La flamme éternelle

La « Mère en deuil » et la flamme éternelle

Le parc national Alisher Navoï, nommé en l’honneur du philosophe/poète perso-ouzbek (1441-1501), accueille non seulement les flâneuses et flâneurs, mais aussi les nouveaux mariés. Quand j’y suis passé, deux jeunes tourtereaux se prêtaient à une séance photo avec leurs invité-es. Un vaste étang offre la possibilité de se délier les jambes dans un pédalo et même de se baigner. Quand je pense baignade, je ne pense pas à l’Ouzbékistan, mais pourquoi pas, en autant qu’existe la possibilité d’un bain de minuit. Des manèges en apparence abandonnés donnent cependant un air de décrépitude au parc. La statue du poète se veut l’attraction principale (le « main event » pour reprendre des termes de lutte professionnelle) et les visiteurs ne se gênent pas pour se faire photographier devant elle. Je m’étonne toutefois de la dénomination de « parc national »; à mes yeux, elle s’applique davantage à de grands espaces naturels qu’à un parc urbain.

Parc national Alister Navoï

Parc national Alister Navoï

Le square Amir Temur constitue l’une des places les plus célèbres de la ville. La statue équestre d’Amir Temur s’y élance avec la fierté d’un Kanye West à l’assaut des palmarès (ou quelque chose dans le genre). Dans plusieurs villes, une telle place attirerait les skaters de tout acabit, qui s’en donneraient à coeur joie sur les structures bétonnées. Mais ici, la place reçoit surtout des marcheurs et des couples aux mains soudées. Et l’Hotel Uzbekistan, avec son architecture surprenante, devrait fasciner les passants, si blasés soient-ils.

La statue équestre d'Amir Timur

La statue équestre d’Amir Temur

Au coin des rues Uzbekiston et Rashidov, un parc attend les visiteurs en quête de verdure. Des arbres d’âge respectable encadrent ses allées. J’y ai croisé deux cinquantenaires saouls dans un même après-midi. Je le mentionne, car l’ivresse publique ne semble pas habituelle, ici, comme disons, à Barcelone. Je me doute par ailleurs que, si la marijuana compte des adeptes tachkentois, ils doivent venir fumer un gros bat dans ce parc. Je n’ai pas senti de danger en plein jour, mais pour le soir, je ne saurais dire. Je ne serais pas surpris que le parc soit considéré comme faisant partie de la place de l’Indépendance, mais je n’ai pas trouvé son nom.

Marchés

Plusieurs options s’offrent aux voyageuses et voyageurs anxieux de se livrer à une session de magasinage à Tachkent. Je n’ai pas cédé à la tentation, car j’y étais au tout début de mon voyage, je ne voulais pas m’encombrer si tôt. Quoi qu’il en soit, le bazar Chorsu (« chorsu » signifie « croisements », en farsi) est LE marché par excellence dans la capitale. L’ambiance vivante devrait charmer les amateurs de bains de foule. Ses énormes dômes bleus méritent aussi quelques photos. Le bazar est accessible depuis la station de métro Chorsu, sur la ligne O‘zbekiston. Un aperçu de son ambiance:

Le secteur de Ganga (pas sûr de l’orthographe), au sud du Sirk (voir plus loin), s’étale le long de l’avenue Furqat. On y trouve, entre autres, des boutiques, des restaurants, des vendeurs de cuisine de rue, une pharmacie qui vend des sangsues vivantes comme traitement médical et une crèmerie. Ses délicieuses glaces à 3000 soms (environ 1,27 $ CAN, au taux officiel) sont d’ailleurs fort appréciées, on dirait, même quand le temps frais d’octobre enrobe la ville. J’ai aussi noté, sur un trottoir, la présence d’un jeu d’arcade avec un sac de boxe pour tester sa force. On varge sur le sac pour se comparer à l’ancien champion des poids lourds Mike Tyson. Je n’ai pas essayé: ces jeux, comme ceux que l’on rencontre parfois dans certains bars ayant « Vegas » dans leur nom, sont la voie royale pour se blesser de manière stupide.

Un jeu pour celles et ceux qui veulent prouver leur force... ou leur stupidité.

Un jeu pour celles et ceux qui veulent prouver leur force… ou leur stupidité.

Lieux de culte

Comme les Ouzbeks sont très, très majoritairement musulmans (les sunnites composeraient près de 94 % de la population), les lieux de culte du pays sont surtout des mosquées. Comme celle-ci, la mosquée Hazrati Imam, dans le quartier autour du bazar Chorsu.

Mosquée

Mosquée Hazrati Imam

Tachkent possède aussi quelques églises. Je n’ai vu que la cathédrale de la Dormition de la Mère de Dieu. Hélas, des rénovations défiguraient l’intérieur de celle-ci lors de mon passage, de sorte que je n’ai pu admirer son aspect usuel. Les églises orthodoxes sont d’ordinaire richement décorées avec de somptueuses icônes. Au moins, j’ai pu me rincer l’oeil en contemplant ses dômes dorés.

Cathédrale de la Dormition

Cathédrale de la Dormition de la Mère de Dieu

Restaurants

Lors de mon séjour à Tachkent, j’ai surtout mangé à mon auberge. J’ai profité de sa cuisine et de la proximité de plusieurs commerces. Mais je tenais à goûter au plov, le plat national ouzbek. Il s’agit d’un plat à base de riz sauté, de légumes (pois chiche, carotte, ail), de mouton ou de boeuf et d’épices. Il se mange avec une cuillère. J’ai donc été au Central Asian Plov Center, dans l’ombre de la tour de radiotélévision (station Bodomzor, sur la ligne Yunusobod). Endroit très populaire, j’ai peiné à trouver une place. Le serveur baragouinait l’anglais, la conversation fut décousue, mais j’ai atteint mon objectif. J’ai obtenu une grosse assiette de plov, du pain, une salade et un Coca pour 20 700 soms (environ 8,75 $ CAN, au taux officiel). C’était délicieux.

Le plov, plat national ouzbek

Le plov, plat national ouzbek

Je n’ai pas vu de chaînes de restauration rapide américaines comme McDonald’s ou Burger King dans la capitale; j’ai cependant noté la présence d’établissements qui copiaient sans vergogne le « branding » de ces marques. Le centre-ville m’a paru LE « spot » pour se gaver de burgers, frites et autres délices trop gras. La cuisine coréenne semble populaire, aussi, j’ai remarqué plusieurs restaurants de ce genre. J’ai même vu un restaurant mexicain. Des tacos en Ouzbékistan… voilà une rencontre culturelle pour le moins originale.

Divers

L’Hotel Uzbekistan domine le square Amir Temur et on le remarque aussitôt, grâce à son style. Il semble tout droit sorti d’un film de la série Austin Powers, mais il n’aurait en fait qu’une trentaine d’années. Marcello Mastroianni y a séjourné, selon le site de l’hôtel. J’imagine que, dans certains cercles, c’est un puissant argument de vente. Je n’ai rien contre Marcello, mais si j’avais à loger là-bas, ce serait davantage pour voir le style des chambres. S’il est aussi particulier que celui de l’extérieur, il doit rocker. Le voyage dans le temps rendu possible.

L'Hotel Uzbekistan

L’Hotel Uzbekistan

Autre symbole de Tachkent, la tour de radiotélévision culmine à 385 mètres de hauteur, ce qui en fait la 9e plus haute du genre au monde. Il en coûte 15 $ US (environ 20,15 $ CAN) ou 45 000 soms pour grimper à sa plateforme d’observation, située à 120 mètres. Pour une raison qui m’échappe, il est interdit de photographier ou de filmer là-haut. Étrange règlement. Après tout, rapporter de belles images pour rendre ses proches jaloux est l’unique but de monter dans une tour. Cette interdiction et mon manque d’argent font que je n’y ai pas été. Accessible depuis la station Bodomzor, sur la ligne Yunusobod.

Tour de télévision

Tour de télévision

En outre, à proximité de la tour se trouve un parc d’attractions appelé… « Toshkentlend ». L’inspiration derrière ce nom crève les yeux, mais, de l’extérieur, je serais porté à affirmer sans trop craindre de me tromper que la réalité ne cadre pas avec l’ambition derrière ce nom. N’empêche, pour une famille ou pour un couple, je peux très bien imaginer le plaisir d’une journée dans ce parc. Pour ma part, l’idée de passer des heures seul dans des manèges me paraissait triste comme un pot de beurre de pinottes vide dans l’armoire d’un cégépien affamé.

Toshkentlend

Toshkentlend

J’ai vu deux autres attractions de nature similaire, mais je ne les ai pas visitées: le Sirk, un cirque (duh) à l’intersection des avenues Furqat et Navoï (cette dernière est la principale artère de Tachkent), et un parc d’attractions près du bazar Chorsu. L’édifice du Sirk mérite un coup d’oeil.

Le Sirk

Le Sirk

L’ancien palais du prince Nikolaï Romanov Konstantinovicha date de 1891. Romanov aurait fait beaucoup pour la communauté, il aurait notamment construit le premier cinéma de Tachkent. L’édifice a abrité divers musées avant de de servir de lieu de réception par le Ministère des Affaires étrangères de l’Ouzbékistan. À sept pas de la place de l’Indépendance.

L'ancienne résidence du prince

L’ancien palais du prince Nikolaï Romanov Konstantinovicha

Les manquées

Je parle ici des attractions que je n’ai pas vues, par manque de temps ou d’intérêt. Je vous en dresse une liste, au cas où vous chercheriez des idées de sorties. Pour les détails, Google sera votre meilleur ami.

– Musée-librairie Moyie Muborak (qui contiendrait le plus vieux exemplaire du Coran au monde);
– Médersa Koukeldach;
– Mausolée Kaffal Shashi;
– Médersa Barak Khan;
– Square Khast Imam;
– Mosquée Juma;
– Musée du chemin de fer;

Quelques excursions possibles à l’extérieur de Tachkent, dans sa région:

– Canyon Gulkam;
– Gorge de Beldersay;
– Montagnes de Tchimgan;
– Réservoir Tcharvak;
– Montagnes de Yanguiabade.

Alors voilà pour Tachkent. Qu’est-ce que je vous disais? On ne s’ennuie pas, dans la capitale ouzbèque et sa région. Prochaine destination: Khiva.

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