Mon Chantier jeunesse à Berlin: les participant-es

Ce n’est pas Berlin, mais c’est en Allemagne: Aachen, ou Aix–la-Chapelle

Comment résumer un séjour d’environ un mois dans une ville aussi intense que Berlin? Cette question me taraudait alors que j’essayais de poursuivre ma série de billets sur le Chantier jeunesse auquel j’ai participé là-bas, en juillet 1998. Après réflexion, j’ai choisi de diviser le sujet en plusieurs parties. La première, soit ce billet, portera sur les participant-es du Chantier. Après tout, aussi bien commencer par le commencement. Et les autres billets? Restez à l’affût…

Un groupe hétéroclite

Donc, avant de raconter mes péripéties berlinoises, je me dois de présenter les protagonistes de cette aventure, avec une brève description pour chacun d’eux (sans photos, hélas… sauf pour une participante):

– Alona, d’Ukraine: extravertie, elle aimait chanter à tue-tête en travaillant. Des chants de son pays. On n’avait alors pas à réécouter une énième fois Suicidal for Life (1994) de Suicidal Tendencies (son 6e album). Ce fut d’ailleurs le disque le plus joué durant le chantier, pour une raison qui m’échappe encore. Alona ne pouvait concevoir pourquoi certain-es participant-es buvaient de l’alcool (ou fumaient du pot, dans certains cas), mais elle faisait l’effort de comprendre. Elle posait des questions sur les motivations derrière ces gestes. Pour elle, être ivre ou gelé-e était impensable, voire même hérétique. Et, considérant le nombre de litres d’alcool consommés pendant le Chantier, je dois honorer sa patience.

L’alcool, ce poison…

– Amauray, de France: un sympathique gaillard originaire de Lille, pour les curieuses et curieux. La connivence naturelle entre francophones a fait son travail, mais on n’a pas développé une solide amitié. On a tout de même formulé un nombre impressionnant de blagues sur les différences entre nos façons de parler français. Les autres participant-es nous ont demandé si l’on se comprenait, quand on se parlait. Force fut d’admettre que, non, pas toujours.

– Anna, de Pologne: une femme gentille, mais on n’avait pas les mêmes intérêts. Elle avait un côté glamour, du genre « je sors d’une boutique chic de Milan », que je ne partageais pas, comme en témoignait mon look à la Ozzy Osbourne (ou John Lennon, pour les non-fans de métal). Sans vouloir jouer sur les stéréotypes, je dirais que cette réalité démontrait le fossé qui existait entre nos univers.

– Barbara, d’Italie: ma meilleure amie du Chantier. La chimie fut instantanée. À un tel point qu’on s’est écrit de vraies lettres – oui oui, avec du papier pis toute – pendant des années et on s’est même revus chez elle, à Rome, en 2006. On s’écrit encore aujourd’hui, mais via les réseaux sociaux. J’ai de l’admiration pour elle: elle a été travailleuse sociale au sein d’organisations de travail humanitaire dans des endroits comme l’Afghanistan et le Soudan du Sud. Elle est aujourd’hui mariée à un travailleur humanitaire d’origine philippine et ils ont un enfant.

Retrouvailles avec Barbara à Rome, en septembre 2006.

– Cristiano, d’Italie: un autre bougre sympathique, avec cet accent chantant propre aux Italien-nes quand ils parlent anglais. J’adore cet accent. Encore une fois, on ne partageait pas une tonne d’affinités, mais on a néanmoins passé de bons moments ensemble.

– Elena, de Russie: une femme discrète, peu bavarde. Elle parlait peu anglais, alors je n’ai pu avoir de nombreuses conversations avec celle-ci. J’ai l’impression qu’elle préférait observer plutôt que d’être le centre d’attention. Je comprenais cet aspect de sa personnalité. Je suis extraverti, mais j’essaie de respecter le besoin d’espace des personnes introverties.

– Pavla, de la République tchèque: ah Pavla. Mon « crush » du chantier, en quelque sorte. Et, avant que quelqu’un ne pose la question, notre relation fut platonique. Pure comme de l’eau s’écoulant d’un glacier. Elle était charmante, cette Pavla, avec ses yeux bleus et ses cheveux blonds frisés. Et son accent… man, j’ai un faible pour les accents. Ainsi, quand elle disait « tabarnak », je fondais chaque fois, attendri par tant de beauté.

– Piotr, de Slovaquie: un jeune homme hypercool. Mon meilleur ami parmi les participants. Les matins, il s’assurait de mon réveil en hurlant « Stěoko » (l’équivalent de « Stéphane », en slovaque. je crois avoir la bonne graphie); moi, je répondais « Pierre » avec le même enthousiasme, par souci d’équité. Excellentes discussions avec lui sur à peu près tous les sujets imaginables. Il m’a par ailleurs appris des mots horribles en slovaque, mots que la décence m’empêche de retranscrire ici. Mais, apparemment, une variante phonétique de « pizza » évoque un mot très vulgaire pour désigner le sexe féminin. Un homme bien, quoi.

Pizza… qui aurait qu’un mot aussi innocent puisse receler une signification aussi vulgaire?

– Tobias, de Suisse: un imbécile de classe olympique. La pomme pourrie du panier. Je dois lui reconnaître une qualité, toutefois: il possédait un réel talent pour lancer des blagues de pénis à des moments inappropriés. Ça et faire des doigt d’honneur sur les photos de groupe.

L’équipe de supervision

Un Chantier jeunesse, c’est bien sûr une rencontre entre personnes de différentes nationalités, mais c’est avant tout du travail. Et qui dit travail dit structure organisationnelle. Cette bande de joyeux luron-nes était par conséquent supervisée par un groupe de Berlinois-es:

– Frank: mon meilleur ami du Chantier, point. De plus, on se ressemblait, au plan physique: grands, minces, cheveux longs, barbus, bref, on a même fait l’objet d’un concours de sosies de Jésus. Le résultat: les participant-es des pays de l’Est ont voté en faveur de Frank, car Jésus est blond, dans cette région du monde, alors que ceux d’Europe occidentale ont voté pour moi. Pourtant, ni lui ni moi ne ressemblait au véritable Jésus. Enfin. La force des biais culturels. En outre, je ne savais pas durant le chantier que Frank allait me donner un sérieux coup de pouce, dans ma période post-Berlin…

Blond ou brun? Le vrai débat entourant Jésus…

– Hanneke et son copain: Hanneke était la superviseure en chef et son copain, dont le nom m’échappe, passait pas mal de temps avec nous, même s’il ne semblait pas occuper de fonction particulière dans toute cette expérience. Je ne peux affirmer que nos rapports furent chaleureux. Deux personnalités assez froides, je dirais. Dommage.

– Un artiste chapeautait le projet, mais j’ai oublié son nom. Martin, je crois. Il était cool, en tout cas. Il avait voyagé, alors il avait l’esprit ouvert. Il nous a laissé une grande liberté, au plan de la créativité, et ce, pour le meilleur et pour le pire. Cependant, il s’intéressait toujours davantage aux femmes… surtout quand on buvait en groupe. Je n’ai donc pas eu de nombreuses conversations personnelles avec lui.

– Nadine: elle incarnait le stéréotype souvent associée aux femmes est-allemandes: grande, blonde, yeux bleus, etc. Je me suis bien entendu avec elle. On n’avait pas beaucoup de points en commun, à vrai dire, mais on ne s’en formalisait pas. Une sincère appréciation mutuelle court-circuitait cette distance.

– Paula: ça n’a jamais cliqué avec elle. Elle me reprochait de parler beaucoup. C’était vrai, je suis volubile, mais je pense plutôt que ma nature exubérante ne cadrait pas avec sa personnalité plus réservée. Je me demandais parfois ce qu’elle faisait là, si elle avait autant de difficulté à accepter l’étendue des personnalités possibles à l’intérieur d’un groupe. Enfin, sans rancune.

Buste de Henry Miller. En voilà tout un, un homme volubile.

– Robert: il était le directeur de la Maison des jeunes, si je ne m’abuse. Je ne l’ai pas croisé souvent. Mais je me souviens d’un moment en particulier. Robert avait un jeune fils d’environ six ans. Il l’avait emmené avec lui, lors d’une sortie de groupe dans un bar; il avait commandé une bière pour lui-même et une bière sans alcool pour son fils, sans que personne n’en soit offusqué. Je ne crois pas qu’un tel geste aurait été toléré au Québec, à cette époque. En 1982, peut-être, quand initier un bambin sortant des couches aux délices de la O’Keefe tablette constituait un rite de passage viril, mais les mentalités par rapport à l’alcool avaient changé depuis, notamment en raison de l’implantation de l’Opération Nez rouge. L’Europe m’a toujours paru avoir un rapport plus décontracté face à l’alcool que le Québec. Il fait partie de moeurs là-bas depuis toujours, alors qu’au Québec, c’est un élément culturel beaucoup plus récent.

Le sport, source de cohésion sociale

Le premier soir du Chantier, le 3 juillet, un match de quart de finale de la Coupe du Monde entre la France et l’Italie était diffusé à la télévision. Amauray et Cristiano l’ont regardé avec attention et passion. Belle manière de cimenter l’esprit de groupe. Je n’ai jamais été un fan de football à la télévision, je trouve l’action trop lente, mais j’ai pratiqué ce sport pendant deux ou trois saisons, durant mon enfance estrienne. Avec du recul, j’apprécie encore plus ces sorties liées au sport. Je vivais en campagne, je n’avais pas de voisin de mon âge et j’aimais rencontrer des jeunes comme moi. Je n’oublierai jamais la ruée vers les sacs de jus de chez Perrette lors du sifflet final de chaque partie. Ou mon traumatisme après avoir vu le poignet cassé de Randy, à la suite d’une collision avec un joueur adverse sur le terrain de l’école secondaire Alexander Galt, à Lennoxville. J’ai aussi pu mieux connaître des coins du Québec que je n’aurais connu autrement. J’ai ainsi eu le plaisir de visiter de petites villes comme Danville ou Richmond. Bref, le sport chez les enfants apporte beaucoup plus que des statistiques. Et chez les adultes, il peut créer une complicité, malgré les divergences.

Le football, sport universel… ici, à Singapour

Et c’est le début

Alors voilà le groupe avec lequel j’allais passer environ trois semaines. Un groupe somme toute agréable. On allait partager diverses expériences marquantes, que je décrirai dans un prochain billet. À suivre…

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