La nature de la peur

Tout le monde connaît la peur. On vit tous des épisodes de peur, à différents moments de nos vies, dans différents contextes: peur d’essayer un nouveau restaurant, parce qu’on pourrait ne pas l’aimer; peur d’acheter un nouveau vêtement, car on redoute l’apparence qu’on aurait en le portant; peur d’un chien, parce qu’il pourrait nous mordre; peur de se promener le soir dans un certain quartier, parce qu’on craint une agression; peur de déménager, parce c’est compliqué; peur de changer d’emploi, même si on n’y est pas heureux, parce que ça demanderait un réaménagement important de notre vie; peur de quitter une relation amoureuse insatisfaisante, parce qu’on sera alors seul ou parce qu’on s’imagine qu’on ne rencontrera jamais quelqu’un d’autre.

Normale, la peur

La peur est normale. Dans le règne animal, elle constitue un élément essentiel à la survie. Dans le monde humain, elle en constitue un aussi, surtout pour les personnes habitant dans des quartiers dangereux de certaines villes ou dans des régions situées près de zones assujetties aux caprices de la nature. La peur fait alors partie de leur quotidien.

Caracas, la nuit. Le danger est hélas réel...

Mais la peur n’est pas un concept monolithique. Elle possède plusieurs visages. Elle peut même être une chose constructive. Mais plusieurs ne la voient pas sous cet angle. Ils l’associent à la faiblesse, à la lâcheté, ils s’imaginent qu’il faut l’esquiver à tout prix. Je ne suis pas d’accord: il faut ressentir la peur. Mais il faut en comprendre la nature, si on veut en tirer de bonnes leçons.

Frontière et zone de confort

La peur est avant tout une frontière qui indique l’endroit où s’arrête une de nos zones de confort, et ce, peu importe dans quel aspect de notre vie. Je ne reviendrai pas sur ma définition du concept de zone de confort, car j’en ai déjà parlé dans ce texte. Donc… l’apparition d’une telle zone s’effectue par le biais d’un certain mécanisme. Ainsi, chaque fois que l’on commence une nouvelle activité ou une nouvelle relation, on approfondit un univers. S’il nous plaît, on y consacre plus de temps, plus d’efforts et il finit par devenir familier. Le vertige des premières fois laisse graduellement place à une grisante assurance. Une zone de confort s’installe peu à peu. Par exemple, on ne descendait que les pistes faciles en ski, à nos débuts; maintenant, on ne recherche que les plus difficiles, car on sait qu’on sera capable de relever ces défis, si grands soient-ils.

Le vertige est une peur somme toute agréable. Surtout depuis la tour Eiffel.

Ce processus d’adaptation se répète dans toutes les sphères de la vie: relations interpersonnelles, travail, études, loisirs, etc. On ne s’en rend pas nécessairement compte chaque fois, car souvent, tout paraît se dérouler de façon naturelle. Il demeure néanmoins en filigrane. Ce qu’on peut finir par oublier, avec le temps, c’est qu’à l’origine, on avait peut-être peur d’entrer dans cet univers, on avait probablement des appréhensions face à lui, face à nos capacités d’intégration dans celui-ci. L’expérience nous a aidé à vaincre cette peur, à franchir cette première frontière.

Les réactions possibles devant la peur

La peur fait donc partie de chaque nouvelle exploration, autant dans le quotidien que dans les voyages. Bien sûr, elle ne présente pas toujours le même degré d’intensité: elle peut être insignifiante (par exemple, la peur d’avoir l’air ridicule dans un cours d’arts martiaux. De toute façon, ça va arriver.) ou elle peut reposer sur des fondements solides (par exemple, la peur de mourir d’un cancer à la suite de la découverte d’une tumeur).

Devant la peur, on peut tout laisser tomber pour se réfugier dans le confort douillet du connu, plutôt que de la confronter. Le problème du confort, c’est qu’à la longue, il émousse les acquis et les potentiels de chacun. Chaque personne possède de nombreuses connaissances et de nombreux talents, mais si elle n’essaie rien de nouveau, si elle ne tente pas de surmonter les défis qui s’érigent devant elle, elle ne découvrira pas l’ampleur de ses possibilités. D’aucuns pourraient ne voir de problème à cette situation: pourquoi ne pas se contenter de ce que l’on connaît déjà, puisqu’on est heureux ainsi? Pour ma part, je crois qu’une des clés d’une vie réussie se trouve justement dans la concrétisation de notre volonté de développer un maximum de nos potentiels, dans un maximum de domaines.

Trop de confort = danger

La peur peut constituer un obstacle à cette quête, car elle peut miner les actions à entreprendre pour la réaliser. Par conséquent, certaines personnes évitent de faire les choix qui, pourtant, les libéreraient d’une situation dans laquelle elles ne se sentent plus bien. Elles pensent qu’elles sont prisonnières et que rien ne peut bouger. Elles ne comprennent pas ou refusent d’accepter qu’elles détiennent le pouvoir de changer leur vie. C’est dommage. D’autant plus que personne ne peut choisir à la place de quelqu’un d’autre: chacun doit effectuer ses propres choix, pour le meilleur de ses intérêts. Tout le monde en est capable, mais beaucoup n’osent pas. Pourquoi? Tant de raisons peuvent expliquer cette fuite. Ce sujet pourrait à lui seul faire l’objet d’un autre texte.

Pourtant, avoir peur est un phénomène normal. Or la réaction d’un individu devant une peur en révèle beaucoup sur lui. Les gens qui ne foncent pas, qui fuient, ne sont sans doute pas heureux, car ils préfèrent subir les évènements plutôt que de les créer. Ceux qui, malgré la peur, prennent des risques pour atteindre le bonheur désiré peuvent « perdre », oui, mais au moins, ils jouiront de la satisfaction d’avoir été au bout de leur vision. Ils ont maîtrisé leur peur, ils s’en sont servi comme carburant et cette maîtrise démontre force et maturité. Cette force et cette maturité leur permettront ultimement d’aller au bout de leurs rêves, même s’ils devront prendre des détours avant d’y parvenir.

Affronter ses peurs fait grandir.

La vraie question

La vraie question, devant la peur, est: que peut-il m’arriver, si je franchis la frontière? Si la réponse est « être plus heureux », alors on n’a pas d’excuse pour ne pas la franchir. Si la réponse est « me retrouver dans une situation pire que celle dans laquelle je me trouve en ce moment », alors la décision ne devrait pas poser problème. Après tout, qui tient vraiment à empirer sa condition? En fin de compte, il incombe à chacun de déterminer si franchir ses frontières constitue un geste raisonnable ou non. En passant, sauter dans un précipice juste pour défier la peur n’est pas un geste raisonnable, tout comme faire du mal aux autres (à moins qu’ils y aient consenti). C’est très simple, finalement. La meilleure manière de gérer une peur, c’est donc de l’affronter et de faire ce qui est juste, en toutes circonstances. Et qu’est-ce qui est juste? Ce qui fait qu’on se sent en paix avec notre vie.

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