Día de muertos à Mérida: un compte rendu incomplet (2e partie)

Paseo de las Ánimas

Dans mon billet précédent, j’avais présenté des observations générales sur Día de muertos, j’avais parlé de la représentation de cette fête dans des films grand public comme Coco (2017) et Spectre (2015), de l’importance de diminuer ses attentes face à celle-ci et j’avais effectué un comparatif entre mes expériences de Día de muertos au Michoacán et au Yucatán. Or c’est bien beau toutes ces élaborations pseudo-intellectuelles, me direz-vous, mais, dans les faits, comment c’était, Día de muertos à Mérida?

Le calme avant la tempête

Alors voici. La chose la plus importante à savoir est que l’essentiel des activités publiques se concentre en une seule date: le 31 octobre. Cependant, bien peu de traces de l’événement étaient visibles dans les rues, les jours précédents. Quelques affiches ici et là, c’est tout. Oh, et un chien maquillé.

J’admire l’esprit festif de ce chien

On nous avait informé que le 31, une parade – le Paseo de las Ánimas – partait du Cementario general, vers 20 h, pour se terminer au Parque San Juan. On se rendit donc au cimetière en taxi, depuis le secteur entourant la Plaza Grande, pour environ 50 pesos (environ 3,45 $ CAN). Sympathique chauffeur, en plus. Il n’a pu nous laisser au cimetière en tant que tel, car les rues environnantes étaient fermées à la circulation. On a dû marcher, mais on n’a eu qu’à suivre les masses de participant-es pour aboutir à notre destination.

L’entrée du Cementario general

On a mis les pieds dans le cimetière, mais on n’a pu aller loin. La foule avait déjà envahi l’espace, alors on s’est installé-es sur une sépulture près de l’entrée. Comme beaucoup de Mexicain-es, d’ailleurs. On se sentait moins mal à l’aise d’ainsi utiliser comme estrade un monument avec une telle portée symbolique. Un homme prit place sur un monument adjacent et, par inadvertance, il en arracha un morceau. Oups. On a été complices de son méfait en faisant semblant de ne pas l’avoir vu. En outre, une équipe de télévision a réalisé une série d’entrevues devant nous. La fébrilité gagnait peu à peu les lieux.

Des sépultures et des gens

Puis, vers 20 h, le cortège se mit en branle. Un long cortège. Des centaines, voire des milliers, de personnes composaient ce fleuve humain.

Début du cortège

Une généreuse portion d’entre elles étaient maquillées et portaient des vêtements traditionnels de la région du Yucatán.

L’action commence…

D’ailleurs, on associe – avec raison – Día de muertos à des maquillages de style La Catrina (pour les femmes) ou de style « crâne » (pour les hommes; je parle de façon générale). Et oui, c’était possible de se faire maquiller, à Mérida. Mais on a choisi de ne pas se prêter au jeu, pour une raison bien simple: la chaleur. J’ai la sudation facile, alors toute tentative de maquillage aurait été gâchée. L’an dernier, j’étais dans le Michoacán, à Pátzcuaro, une ville située à environ 2140 mètres d’altitude. La température moyenne en soirée, lors de mon passage là-bas, tournait autour de 11,4 °C. Mon maquillage pouvait donc tenir sans que je ne me soucie de la chaleur. Mais à Mérida, c’était une autre histoire. La ville se trouve à… 8 mètres au-dessus du niveau de la mer. En plein jour, le mercure atteignait 35 °C, avec un taux d’humidité respectable. Certes, le soir, la température était plus confortable, mais elle était quand même trop élevée pour qu’un maquillage puisse résister aux assauts de mes glandes sudoripares. L’activité semblait toutefois populaire auprès des participant-es, et pas juste les enfants.

Et c’est un départ

Où en étais-je? Ah oui… vers 20 h, le cortège se mit en marche. Aux premiers rangs: un véhicule équipé de puissants haut-parleurs, d’un animateur en voix et des personnes maquillées et costumées. Le défilé s’écoula hors du cimetière pour continuer son chemin jusqu’au parque San Juan, à travers les rues de la ville.

Les spectateurs essayaient aussi de quitter la nécropole, mais l’imposante foule dut se résigner à sortir au compte-gouttes par les petites portes du cimetière. Des bouchons se formaient devant chacune. Il fallait jouer du coude pour se frayer un chemin. Il n’y eut aucune violence digne d’un spectacle de Slayer – Frida soit louée – mais si on avait attendu qu’on nous laisse passer, on serait sans doute encore là-bas.

La foule des grands jours

Les commerces près du cementario ont aussitôt été conquis par les visiteurs. Les étagères se vidaient en un temps record; les bouteilles d’eau avaient la cote, mais j’ai vu des canettes de bière se glisser dans la foule, en dépit de l’interdiction de boire en public. Des vendeurs de nourriture ambulants profitaient aussi de cette manne.

Marée humaine à la sortie du cimetière

Diverses odeurs – entre popcorn et viande grillée – se confondaient en un parfum évoquant par moments celui du parc Desranleau de Fleurimont, pendant la Classique PIF Portes Mackie. Et, comme chaque fois qu’une quelconque activité se déroule au Mexique, la musique accompagnait les événements. Elle provenait dans ce cas-ci de la voiture qui ouvrait le cortège, des maisons et des restaurants. J’aime cette omniprésence de la musique, elle met de la vie dans la vie, peu importe les circonstances.

Au coeur de l’intensité

Je ne saurai dire combien de personnes prenaient part au Paseo de las Ánimas, mais j’évaluerais ce nombre à plusieurs milliers. Cet article (en espagnol) parle même de… 60 000 personnes. Chose certaine, les agoraphobes n’auraient pas apprécié une telle densité. D’ailleurs, ma copine ne s’y sentait pas à l’aise, alors on est sortis du cortège à quelques reprises pour emprunter de petites rues. Heureusement, mon frère, un colosse au crâne rasé (un Stone Cold Steve Austin, mais en plus sympathique), nous ouvrait le chemin. Pour ma part, je me sentais confortable dans ce magma humain. Je trouvais le tout sympathique, même.

Parfois, on tentait de circuler sur les trottoirs, mais ils étaient eux aussi pris d’assaut par les badauds. Des gens y avaient installé des chaises pliantes. Certains restaurants avaient sorti des tables et même des BBQ (!), ajoutant un degré de péril à la promenade. À un certain moment, on a dû faire attention pour ne pas se brûler sur une plaque chauffée depuis des heures dont le bout débordait sur la portion trottoir. La chaleur qu’elle dégageait ne laissait aucun doute sur le danger de trop s’en approcher.

Du bon manger sur la table

Des autels avaient été érigés le long du parcours. On y retrouvait les éléments classiques, comme les photos des défunts, de la nourriture, des fleurs et autres symboles honorant la mémoire des disparus. J’ai cru comprendre qu’un concours avait été lancé pour déterminer l’autel le plus réussi. À noter que les autels sont l’un des éléments les plus représentatifs de Dia de muertos, et ce, peu importe le lieu de célébrations.

Un autel typique

Une fin abrupte

Une fois au Parque San Juan, la foule s’est dispersée en moins de temps qu’il n’en faut à des chats pour fuir le site d’un repas interdit. J’estimerais que la parade a duré environ deux heures. Un spectacle extérieur gratuit se déroulait sur une scène installée à l’intersection des calles 64 et 67A. Le groupe ne m’a pas ébloui, il m’a donné l’impression de jouer un style plutôt générique de la région.

De plus, on a vite compris que la fête ne se poursuivrait pas dans les rues; de toute manière, il est interdit de consommer de l’alcool dans les lieux publics de la ville. À première vue, la règle n’avait pas été suspendue pour l’événement. Quelques rebelles buvaient quand même, mais ils formaient une minorité parmi les flâneurs du parc. Ce ne fut donc pas la soirée exubérante, alcoolisée à laquelle on aurait pu s’attendre.

Le « Kaïn » local

Les deux autres jours n’ont pas été remarquables, côté célébrations. Une employée de notre auberge m’a confirmé que les gens fêtaient davantage en famille, que peu d’activités publiques avaient lieu (du moins, des activités organisées par l’administration municipale). Je pense que des bars présentaient des spectacles pour l’occasion, mais on était loin d’une organisation centralisée.

En conclusion

Mon appréciation de Día de muertos à Mérida est mitigée. La parade était intéressante, mais le reste… décevant. J’aurais aimé plus de choix d’activités publiques, comme à Pátzcuaro. Je ne recommenderais donc pas Mérida comme destination pour une première expérience de Día de muertos. Ou, au minimum, je suggérerais de ne pas choisir Mérida pour cette seule raison. Après tout, la région est formidable et Mérida est une ville fantastique. Mais elle ne constitue pas le lieu le plus intense pour célébrer Día de muertos.

Prochaine destination: le cenote San Ignacio à Chocholá

1 thought on “Día de muertos à Mérida: un compte rendu incomplet (2e partie)

  1. Julien Manival

    Super article ! Le Mexique est un pays riche d’histoire et il est temps qu’on en sache davantage sur ses traditions. Cet article contribue à faire circuler les infos et c’est génial.

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