Día de muertos à Mérida: un compte rendu incomplet (1ere partie)

Un autel érigé pour Día de muertos à Janitzio, dans le Michoacán

En toute franchise, je ne pensais pas retourner au Mexique en 2018, après mon expérience de Día de muertos en 2017 (vous pouvez en lire mon compte rendu par ici). Pas que j’en avais marre du Mexique, au contraire, mais il y a tant de pays à visiter. Et si peu de temps. J’avais envie de connaître autre chose. Mais, devant l’insistance de ma copine et mon frère, j’ai accepté d’y retourner sans rouspéter, pour une deuxième expérience de Día de muertos. Et c’était intéressant de les comparer. Car les différences étaient frappantes.

Observations générales

Día de muertos se déroule grosso modo du 31 octobre au 2 novembre chaque année, mais les dates peuvent varier selon la région. Par souci d’espace, je ne raconterai pas l’histoire de la fête, d’autant plus que ses origines font l’objet de débats entre historiens (notamment en ce qui a trait au syncrétisme entre les traditions catholiques et autochtones). J’en ai déjà parlé brièvement dans ce billet et il existe une abondante quantité d’articles sur le sujet, surtout si vous lisez l’espagnol. Je peux cependant déclarer ceci: Día de muertos ne ressemblera pas nécessairement à ce que vous voyez dans des films comme Coco (2017) ou Spectre (2015). J’y reviendrai plus loin.

Calavera géant à Morelia, dans le Michoacán

Certaines destinations paraissent plus courues que d’autres, pour vivre cette célébration: à la lueur de mes expériences et de mes conversations, Oaxaca semblait la plus populaire, surtout auprès des touristes non-mexicains, mais Pátzcuaro aurait la cote auprès des touristes mexicains. Par conséquent, selon la destination choisie, il s’avère sage de réserver à l’avance. En 2017, j’ai planifié mon voyage à Pátzcuaro en mai et j’ai eu de la difficulté à trouver une chambre à un prix convenable pour mon budget.

Le centre historique de Oaxaca. Une ville populaire auprès des touristes, et pas seulement lors de Día de muertos.

À noter que les jours de Día de muertos sont fériés, même si la loi ne l’oblige pas, en théorie. Les bureaux de poste sont alors fermés (je l’ai constaté de visu à Mérida) et, sans aucun doute, d’autres institutions gouvernementales font de même. Un autre élément important à garder en tête au moment d’organiser votre voyage. Par contre, les commerces restent ouverts.

Des commerces utilisent Día de muertos comme outil de promotion, comme ici, à Isla Mujeres.

Enfin, Día de muertos n’est pas célébré dans tous les États mexicains: il est souligné surtout dans le sud et dans l’ouest (Puerto Vallarta, par exemple), mais moins dans le nord. Certes, j’ai vu des photos de mes amis de Hermosillo déguisés pour l’occasion, mais il s’agissait davantage d’une initiative personnelle que d’une activité organisée par les autorités municipales. Ils aiment simplement se déguiser et – accessoirement – boire de la bière.

Représentations et attentes

J’adore Coco. Je l’ai regardé pour une cinquième fois dans un bus entre Mérida et Cancún… et j’ai encore été ému. Un film à voir au moins trois fois dans sa vie. Mais après avoir lu ce billet, bien sûr. J’ai beaucoup aimé Spectre, aussi. Pourquoi je mentionne ces deux films? Parce qu’ils sont deux oeuvres grand public qui montrent Día de muertos. Surtout Coco, mais la première scène de Spectre s’ouvre sur les célébrations de Día de muertos à Mexico. Détail fascinant: avant le tournage de Spectre, la Ville de Mexico n’organisait pas de parade pour cette fête. L’année 2018 marquait donc… la troisième édition de ladite parade. On repassera pour l’aspect traditionnel.

Un papel picado (« papier troué »). On en voit dans Coco.

Digression: Spectre est LE Bond pour les vrai-es fans de Bond, c’est à dire les rares qui ont pris la peine de lire les livres d’Ian Fleming. Tant de cinéphiles se contentent de gober sans réfléchir l’opinion à la mode que Sean Connery est LE Bond. Or Connery a dénaturé le Bond de Fleming. Celles et ceux qui en doutent devraient lire, dans l’ordre, Au service secret de sa Majesté (1963) et On ne vit que deux fois (1964) pour comprendre que Connery (tout comme George Lazenby) n’aurait jamais eu le talent pour composer un tel Bond. Le Bond flemingien possède des parts d’ombre – et même des tendances suicidaires dans les romans précités – qui demandent un jeu plus nuancé. Daniel Craig est ce Bond. Craig a su rendre la complexité du personnage à travers ses interprétations, comme dans Casino Royale (la version de 2006 reste fidèle au livre du même nom, en passant) et Skyfall (2012). En outre, Spectre contient plusieurs clins d’oeil, dont plusieurs très subtils, à l’univers flemingien: par exemple, la mention « Hildebrand ». Donnez-vous deux morceaux de robot si vous la dénichez et deux autres si vous la comprenez. Ceci dit, personne n’accorderait de la crédibilité à quelqu’un qui se prétendrait expert de la trilogie du Seigneur des anneaux après avoir seulement vu les films; j’ai pourtant rencontré trop de movie snobs qui se croyaient experts de l’univers Bond après avoir seulement regardé les films. L’humilité, une qualité en voie de disparition. Fin de la digression.

Khao Phing Kan, en Thaïlande, connue comme l’île de James Bond. Le film « The Man with the Golden Gun » (1974), avec Roger Moore, y a été tourné. Le fan en moi jubilait.

Je disais… ah oui, j’aime les deux films susmentionnés, mais je pense qu’ils créent des attentes irréalistes chez les touristes. Nombre de gens s’attendent à vivre des célébrations aussi flamboyantes que celles dans ces films, et ce, peu importe où ils iront pour Día de muertos. Ce constat ressort de conversations que j’ai eues avec d’autres voyageuses et voyageurs. Mais c’est un piège. J’ai déjà abordé le cas de Spectre, alors voici mon interprétation de Coco: le film se veut davantage une représentation d’une célébration propre au Michoacán qu’une représentation d’une fête générique de l’ensemble du Mexique. Ainsi, la ville de Santa Cecilia, où se déroule l’action du film, est une ville fictive qui serait inspirée par Santa Fé de la Laguna… dans le Michoacán. J’étais pourtant sûr que l’inspiration était Pátzcuaro, dont le centre est aussi tout en rouge et blanc. Close enough.

Pátzcuaro, Mexique. On se croirait presque dans « Coco ».

Cette situation m’amène à penser que chaque région qui souligne Día de muertos possède ses propres rites. Des éléments vont revenir d’une à l’autre, oui, mais d’autres vont s’ajouter en fonction du lieu, de son histoire, de ses coutumes. En d’autres termes, Día de muertos n’est pas une fête mexicaine standardisée.

Yucatán vs Michoacán

Je ne dresserai pas une nomenclature des différents États où est célébré Día de muertos, je vais plutôt me concentrer sur les deux où j’ai assisté à cet événement marquant: le Yucatán et le Michoacán. Ces États sont éloignés l’un de l’autre, de sorte que leurs histoires se sont développées en parallèle. Le Michoacán est une région liée aux Purépéchas, alors que le Yucatán est une terre maya. Les influences culturelles ne sont donc pas les mêmes. Par exemple, à Mérida, lors de la parade du 31 octobre, les participant-es portent des habits traditionnels du Yucatán, en plus d’adopter les maquillages plus typiques associés à la fête.

Banderole de Día de muertos, à Campeche (État de Campeche)

De plus, dans le Yucatán, la fête maya de Hanal Pixán (« nourriture pour les esprits des défunts », en langue maya yucathèque) a en quelque sorte été fusionnée avec Día de muertos. Le Yucatan Times a publié un intéressant dossier (en anglais) sur le sujet, si vous souhaitez en apprendre plus. Je suis conscient que les liens entre les deux fêtes pourraient faire l’objet d’articles à part entière, que ce sujet est plus complexe que mes minces connaissances actuelles sur lui, alors je ne m’aventurerai pas trop sur ce terrain. Aussi, à Mérida, Día de muertos se concentre autour d’un seul événement principal: le Paseo de las Ánimas (« promenade des âmes »), le 31 octobre. La parade en serait à sa… dixième édition. J’ai été surpris, car j’avais la certitude qu’elle remontait à plus longtemps. Et juste UNE soirée principale? Nom de Rey Mysterio! C’est que là-bas, en fait, les autres jours seraient plutôt consacrés aux réunions familiales. Or, dans le Michoacán, Día de muertos est souligné pendant trois jours, chacun avec des activités correspondant à un thème spécifique: jour de la chasse au canard (« cacería del pato »; 31 octobre), jour des enfants (« los angelitos »; 1er novembre) et jour des adultes (« los difuntos »; 2 novembre). Ce document en espagnol explique mieux chaque journée. Cette différence dans l’accent mis sur les activités publiques démontre selon moi l’importance de la fête pour chaque région.

Affiche pour une activité en lien avec Día de muertos, dans le Michoacán

Si je compare mon expérience de 2018, dans le Yucatán, à celle de 2017, dans le Michoacán, j’estimerais que celle du Yucatán est moins centrée sur l’aspect festif et plus axée sur l’aspect spirituel. Pas que ce dernier n’existe pas dans le Michoacán, mais à en juger par la quantité de cervezas bues dans les rues de Pátzcuaro, je serais enclin à croire que la bière y a remplacé le vin de messe. Par conséquent, pour un individu moins porté sur la bouteille, le Yucatán peut représenter une option plus attrayante. J’affirmerais même que les célébrations de là-bas m’ont paru plus traditionnelles (d’aucuns diraient « authentiques »… mais pas moi. Cette confusion des termes doit cesser), dans la mesure où la fête concerne ici davantage les interactions dans les sphères familiale et amicale que les événements publics. J’ai également l’impression que la fête puise ses origines dans des activités de modeste envergure, comme des réunions familiales, voire paroissiales, plutôt que dans des manifestations à grands déploiements comme des parades. Enfin, plusieurs touristes m’ont exprimé leur déception, face aux activités à Mérida, mais je dirais platement qu’il revient à chacun-e de gérer ses attentes. J’ai moi-même effectué cet exercice de gestion et oui, ce fut difficile. J’espère que ce billet aidera quelques-uns d’entre vous à entreprendre cet exercice avec une vue d’ensemble élargie.

Prochaine destination: comment ça se vit, Dia de muertos à Mérida?

 

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