Día de Muertos, jour 1: les enfants de Pátzcuaro

Les Morts sont là…

J’arrive enfin à la raison de mon dernier voyage au Mexique: Día de Muertos (« Jour des morts », en français). Un rêve qui m’habitait depuis que je suis tombé amoureux du Mexique, lors de mon voyage au pays en 2014-2015. Et j’ai réalisé ce rêve en 2017. Pour les détails logistiques, lisez mon billet précédent. Voici donc le récit de ma première journée et soirée à Día de Muertos, le 31 octobre 2017. Mais auparavant…

Une brève histoire

Je ne raconterai pas en détails ici l’histoire de Día de Muertos, c’est un sujet trop vaste qui mériterait un billet à lui tout seul. Vous pouvez cependant lire des articles qui l’explique, comme celui-ci. Je peux toutefois en résumer les grandes lignes: comme son nom l’indique, Día de Muertos (ou Día de los Muertos, selon les régions) est une fête annuelle qui rend hommage aux personnes décédées. Elle se déroule généralement du 31 octobre au 2 novembre, mais ses dates demeurent flexibles. Les célébrations peuvent ainsi s’étirer, selon les lieux. Même si ses origines exactes font l’objet de débats dans les cercles scientifiques (est-ce oui ou non un outil de propagande implanté par des nationalistes dans les années 1910/1920?), un certain consensus paraît émerger autour du fait qu’elle réunit des traditions préhispaniques et des rites catholiques. Elle semble surtout célébrée dans le sud et le centre du Mexique, mais elle est connue à travers le pays. Elle est en outre de plus en plus soulignée ailleurs, notamment dans le sud des États-Unis, en raison de la présence de communautés d’origine mexicaine. On compare parfois Día de Muertos à l’Halloween, mais la tradition mexicaine signifie plus que cela. Elle comporte une dimension spirituelle qui a été évacuée de l’Halloween depuis longtemps.

Les flammes de la spiritualité

D’ordinaire, le 31 octobre est la journée des enfants décédés (les angelitos, « petits anges » ou « anges gardiens »); le 1er novembre, après le déjeuner, la journée est consacrée aux adultes; enfin, le 2 culmine avec la commémoration des fidèles défunts, un rituel catholique. Toute la famille participe aux activités – à différents degrés, cela va de soi -, puisque c’est un événement intergénérationnel. Le film Coco (2017) de Disney/Pixar constitue une merveilleuse représentation de cet univers. Et la trame sonore (en espagnol, de grâce), évoque bien l’ambiance que l’on peut ressentir en se promenant dans le pays, surtout quand une chanson de José José ou de Banda MS éclate dans les haut-parleurs d’un commerce quelconque.

Le « set up »

Premier contact

J’ai donc posé mon sac à Pátzcuaro, dans l’État de Michoacán, le 31, en milieu d’après-midi. J’ai pris un taxi du terminus de bus pour me rendre chez mes hôtes Airbnb. Une fois arrivé, j’ai envahi ma chambre, puis j’ai discuté avec eux. Ils m’ont alors invité à une soirée spéciale dans une école primaire de la ville: un spectacle donné par les élèves, dans le cadre de Día de Muertos. J’ai accepté. Je ne nommerai pas l’école en question, car cette information n’est pas pertinente ici. J’ai ensuite été marcher dans le quartier (colonia Ibarra), j’ai mangé, je suis revenu et mon hôte et moi avons pris un combi (une fourgonnette utilisée comme un bus) pour aller à l’école. Mon hôtesse s’y trouvait déjà, occupée à régler les derniers détails de la soirée.

La Catrina

Une soirée avec des enfants

On est arrivés parmi les premiers. Les parents – les bras remplis de plats en vue d’un buffet – et leurs enfants – déguisés et maquillés – débarquaient peu à peu. L’ambiance joyeuse laissait présager une soirée haute en émotions. Une chanson pour enfants jouait en boucle. Un ver d’oreille. Il s’incrustait déjà en moi, façon Despacito.

L’entrée de l’école

Les conversations allaient bon train, avant le début du spectacle. J’écoutais, j’observais. J’avais l’impression de pénétrer dans une intimité habituellement inaccessible aux touristes comme moi. Une tranche de « vraie vie », quoi. D’autant plus que je n’ai pas d’enfant. La parentalité m’apparaît comme une notion floue. J’en saisis les principes – j’ose le croire, du moins -, mais je ne connais rien à leurs applications concrètes. Et là, j’assistais à l’une d’elles, j’étais même aux premières loges. J’étais par conséquent heureux d’être ici.

Décoration de Día de Muertos

Je regardais les décorations et j’ai noté l’omniprésence des bricolages en papier, les papeles picados. Typiques de Día de Muertos, ils montrent des squelettes, crânes et autres motifs géométriques évoquant la mort. Puis, les éducatrices ont demandé aux enfants de s’installer sur des tapis individuels, dans la cour arrière. Les mômes devaient imiter les morts. Des morts qui, au final, gigotaient, mais bon. Je me voyais à cet âge-là, petit crisse de calibre olympique, et je pouvais m’imaginer la trépidation qui devait les animer. Car moi aussi j’ai toujours adoré me déguiser.

Des costumes… j’en aurais bien porté un.

Une voix a ensuite encouragé les « défunts » à se réveiller. Ils s’activaient, lentement. La chanson qui jouait en boucle depuis mon arrivée a alors explosé dans les haut-parleurs, annonçant le début d’une danse. Premier constat: l’enthousiasme des morts compensait pour leur manque de synchronisation. Deuxième constat: quelle vision attendrissante, même pour mon coeur de métal.

Cette chanson me hante toujours.

Souvenirs

D’autres danses ont suivi, accompagnées d’un conte narré par les éducatrices. Les « cadavres » jubilaient, même quand ils devaient rester immobiles. Ce qu’ils ont dû s’amuser, en répétant cette cérémonie. Les éducatrices ont laissé la frénésie s’évaporer pour orchestrer une transition vers une phase plus solennelle du spectacle: le don des offrandes. Quelques enfants ont ainsi déposé tour à tour diverses offrandes aux pieds de la Catrina: des photos de défunts, de la nourriture, des chandelles, etc.

Le temps des offrandes

Un moment plus touchant, plus sérieux. Les jeunes se sont prêtés de bonne grâce à ce rituel, sans – visiblement – trop en saisir la portée. Les parents, eux, étaient émus. Fiers. Et moi? J’étais charmé. Je vis dans une société qui a abandonné de nombreux rituels, souvent liés à la religion, à la suite d’une longue période d’oppression de la part des autorités religieuses. Je ne me plains pas de cet abandon, je pense qu’il était nécessaire pour assurer une inévitable évolution sociale qui couvait depuis des décennies, mais je dois avouer que je suis touché, quand j’assiste à des événements culturels aussi significatifs pour les personnes concernées.

Les offrandes

Une finale toute en saveurs

Et la soirée s’est terminée par un buffet. Un buffet de cuisine mexicaine… j’étais au paradis du foodie. Je me suis gavé, trop content de goûter tous ces plats maison. Les restaurants, c’est bien, mais des plats maison préparés avec amour, c’est encore mieux. Sans parler de la convivialité de partager un repas avec tout ce joli monde. J’ai alors replongé en enfance, quand ma mère préparait tous ces délicieux plats qui m’ont permis de grandir en beauté et de développer une pilosité enviable.

Le buffet

Après cet exquis gavage, mon hôte et moi sommes rentrés en taxi, pendant que mon hôtesse devait s’occuper de la portion moins agréable de l’organisation d’un événement: ramasser les trucs. Il était encore tôt, j’aurais pu sortir, mais j’étais fatigué, après ma nuit de transit à l’aéroport de Mexico. Conséquence: même si j’étais curieux de voir ce qui faisait vibrer la ville, j’ai décidé de me coucher. J’étais malgré tout heureux d’avoir assisté à quelque chose d’aussi intime. C’était sans aucun doute un côté différent de l’expérience Día de Muertos. Une introduction mémorable. Je me suis cependant promis que, le lendemain, j’irais rocker dans la ville. Et c’est ce que j’ai fait.

Prochain billet: soir de fête à Pátzcuaro.

2 thoughts on “Día de Muertos, jour 1: les enfants de Pátzcuaro

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