Lagos, une ville dans le vent (2e partie)

Dans les rues de Lagos.

Dans mon billet précédent, je me demandais si je devais participer au « potluck » de mon auberge de Lagos et, après avoir constaté l’engouement suscité par l’activité, j’avais conclu que oui, je le devais. C’est une activité hebdomadaire à l’auberge – tous les vendredis – et elle est populaire, apparemment. C’est une excellente idée, en tout cas, puisqu’elle favorise les interactions entre les invité-e-s dans un contexte léger et délicieux.

Au tour du Portugal

Je devais donc préparer un plat. C’était l’occasion parfaite pour cuisiner – vous l’aurez deviné – une poutine. J’avais déjà des sachets de sauce en poudre, comme toujours, mais il me manquait les frites et le fromage. J’ai donc été faire des emplettes à l’épicerie Lidl. J’y ai trouvé tout ce dont j’avais besoin.

Un choix déchirant.

Au retour, j’ai commencé à préparer la poutine. La cuisine de l’auberge était petite et on était plusieurs à y concocter nos plats. La propriétaire de l’auberge était là, de même que quelques membres de sa famille (son mari, une de ses soeurs et deux de ses filles); or celle-ci s’est portée volontaire pour surveiller la cuisson des frites, histoire d’éviter de possibles accidents causés par un fort achalandage dans la cuisine. Elle veillait sur d’autres plats, aussi, avec un leadership exemplaire. Je me suis tout de même occupé de la sauce, car je tenais à faire ma part. Le Portugal est ainsi devenu le 21e pays dans lequel j’ai cuisiné une poutine.

Poutine Ikea (à monter soi-même).

Une fois prêts, les plats ont été déposés sur une longue table. La propriétaire a alors demandé à chaque convive de se présenter, à tour de rôle. Les invités provenaient sans surprise de plusieurs pays: une Belge flamande, une Étatsunienne, des Allemands, des Argentines, une Néerlandaise, une Anglaise, une Canadienne (de Vancouver, évidemment) et une…. Luxembourgeoise (!). C’est la première fois de ma vie que je rencontrais quelqu’un de ce pays. Je lui ai demandé ce qu’il y avait à faire là-bas. Sa réponse: pas grand-chose. J’irai quand même, un jour.

Un souper presque parfait

On a ensuite pigé dans les divers plats (des salades, surtout), on a envahi une autre table et on a jasé. On a eu d’excellentes discussions sur de nombreux sujets: nos pays d’origine, les particularités socio-politico-culturelles de chacun, les particularités des langues que l’on parle, nos voyages précédents, nos impressions du Portugal, le fait d’étudier dans un autre pays, la comparaison entre l’Espagne et le Portugal, etc. J’adore ce genre de moment, où tout le monde est sur la même longueur d’onde.

J’ai tout mangé.

J’ai particulièrement cliqué avec une des Argentines (j’ai hélas oublié son nom), qui m’a fait boire du maté – les Argentin-e-s ne peuvent vivre sans leur maté, même sur la route, c’est une des grandes vérités de l’univers des voyages – et Markus, un Allemand fort sympathique. On avait des parcours de voyageur semblables, lui et moi, c’est-à-dire qu’on avait d’abord vécu une période festive, avant de connaître une période sobre. C’était intéressant de parler ouvertement des différences entre ces deux périodes. Mais, surtout, c’était super de parler avec un mec qui n’était pas un mythomane obsédé par son pénis ou par la création de sa propre « légende ».

Une autre réussite.

Cette conversation m’a fait comprendre quelque chose sur moi-même: lors de mon précédent voyage – au Brésil, en 2019 -, j’étais blasé, mais je ne m’en rendais alors pas compte. J’avais aimé mon expérience, oui, mais sous cette satisfaction se cachait une lassitude face aux voyages. Je n’avais pas vraiment sympathisé avec d’autres voyageuses et voyageurs, à ce moment-là, j’étais constamment dans ma bulle. Comme si les années passées sur la route avaient, petit à petit, émoussé mon désir de rencontrer des gens. En plus, la sobriété m’a permis de constater que, parfois, la magie de certains moments n’était en fait qu’un vernis alcoolisé trompeur. Or, ce soir-là, à Lagos, j’ai retrouvé le plaisir de socialiser. Ce fut une de mes meilleures soirées d’auberge, de tous mes voyages. C’était un souper presque parfait.

Il ne faut pas se fier au petit nombre de bouteilles vides: ce fut une excellente soirée.

Je dis presque, parce que l’apparition d’un crétin saoul entiché de la Luxembourgeoise a cassé l’ambiance. La jeune femme ne voulait visiblement rien savoir du quidam, mais celui-ci ne s’en rendait pas compte ou ne voulait pas s’en rendre compte. Tout le monde riait de lui à chacune de ses tentatives pour charmer la femme. Polie, elle ne l’a pas envoyer chier comme elle aurait pu le faire. Il avait l’air pathétique. Mais il semblait se dire que la méthode « bulldozer » ne pouvait faillir, que « non veut dire oui » et autres conneries misogynes. Personne ne gâche mieux un moment d’harmonie sociale qu’un mec saoul qui veut désespérément baiser.

L’auberge Tag Hostel

L’auberge Tag Hostel est située sur une côte du centre historique. L’entrée est cependant discrète, il faut porter attention au panneau à côté de la porte d’entrée.

Trouvez l’entrée.

Ce qui frappe d’abord, c’est la terrasse avec vue sur la mer. Puis, la petite cuisine. Ensuite, les chaleureux lieux communs.

C’est bien la mer, là-bas.

Mon dortoir était petit, mais chaleureux, chaque lit ayant une prise électrique et un casier attitré. Par contre, les lits grinçaient au moindre mouvement. J’espérais que personne ne baise pendant mon sommeil. Ce n’est pas arrivé, à mon grand soulagement. J’ai payé 44 euros (environ 64 $ CAN) la nuit pour un lit dans un dortoir mixte de quatre lits. Le déjeuner n’était pas inclus.

Mon dortoir.

Les douches et les toilettes étaient séparées. Les cabinets de toilette étaient un peu étroits; j’ai pu le constater lors de mon indigestion. J’ai d’ailleurs fait preuve d’une grande créativité afin de trouver les positions optimales pour, si vous me permettez l’expression, effectuer ma vidange avec un maximum de confort. Côté douche, la pression de l’eau était forte. Toutefois, en raison de la conception des portes de chaque douche, l‘eau avait tendance à s’accumuler sur le sol (dans la salle des hommes, du moins). Ce n’était cependant pas un grave problème avec une bonne vieille paire de sandales.

Une partie de la terrasse.

Ce n’était donc pas une auberge irréprochable, au plan des prestations et de la disposition des lieux. C’était malgré tout le genre d’auberge que je préfère, car elle me donnait l’impression d’être chez quelqu’un. On sentait la passion de la propriétaire, elle aimait son auberge, elle aimait rencontrer des voyageuses et des voyageurs, elle aimait l’univers qu’elle avait ainsi créé. Et c’était merveilleux de sentir cette passion. Dans un monde où les hébergements peuvent parfois être impersonnels, gérés par des entreprises anonymes, une auberge construite à force de passion par des gens sincères se démarquera toujours.

Départ pour Lisbonne

En terminant de préparer mes sacs, le dernier matin, je me disais que Lagos pourrait se visiter en une journée, si quelqu’un était vraiment pressé. Mais je crois que c’est préférable de prendre son temps et d’apprécier le rythme lent de cette ville charmante. De plus, de nombreuses villes ou curiosités naturelles se trouvent dans la région et elles sont faciles à visiter. Pour ma part, en raison de mon vol raté à Toronto, j’ai perdu une journée complète de mon séjour lagosien. J’ai alors dû ajuster mes plans, mais j’aurais aimé avoir cette journée supplémentaire. Je ne suis donc resté à Lagos que les 27 et 28 juillet. Bien que déçu par cet imprévu, je suis tout de même heureux d’avoir pu connaître la ville.

Au revoir, Lagos.

Sacs sur mes épaules, j’ai effectué une dernière tournée des lieux et j’ai salué les personnes que j’ai croisées, dont Markus. Je ne pense pas le revoir un jour, comme l’immense majorité des gens que je rencontre en voyage, mais je n’oublierai pas les excellentes conversations partagées avec lui.

Oui oui, Markus existe.

Après un arrêt déjeuner dans un sympathique resto (Cafetaria Lacóbriga), je me suis rendu au terminus. Il y a alors eu une certaine confusion quant au bus que je devais prendre. J’ai posé des questions à plusieurs chauffeurs et passagers, mais on dirait que personne ne connaissait les réponses. La chaos a ensuite connu son apothéose avec une épique engueulade entre deux chauffeurs. L’un d’eux était celui du bus pour Lisbonne (de la compagnie Rede Expressos; le billet m’a coûté 9,99 euros, soit environ 14,57 $ CAN). Après son esclandre, il a fait signe aux passagers de monter dans son véhicule. On est embarqués et on est partis à peu près à l’heure. J’allais maintenant découvrir Lisbonne, une capitale européenne que je ne connaissais pas encore.

L’attente dans l’incertitude.

*Des trains effectuent la liaison Lagos-Lisbonne, avec Comboios de Portugal, mais au moment de mon voyage, les trains étaient paralysés par une grève.

Prochain billet: Lisbonne.